La contrebasse est une partenaire exigeante. BENOÎT PIQUET, « basseux » des Fils Canouche témoigne.

Hyper sensuel

« Quand j’étais gamin, il y avait une basse électrique qui traînait à la maison. J’ai tout de suite été attiré. Quelques années plus tard, en parallèle de la basse, j’ai commencé la contrebasse. C’est le côté physique de l’instrument qui m’a plu, ce truc énorme que tu as contre le bide, ces grosses notes qui en sortent… Les vibrations que ça provoque, c’est hyper sensuel. Ma femme n’est pas encore jalouse, mais elle pourrait… Je suis vraiment fan de ce son acoustique, chaleureux, boisé.
À la basse comme à la contrebasse, le rôle est le même : être le pilier rythmique du groupe, complice du batteur ou du guitariste rythmique. Accompagner des chanteurs, des musiciens, j’adore ce rôle. J’aime jouer de manière régulière avec un batteur, avec qui je peux développer des habitudes de jeu : lorsque tu offres une assise rythmique sur laquelle les autres musiciens sont super conforts pour se poser, c’est une sensation super agréable. On rend une sorte de service…

Un engagement physique

Mis à part leur rôle commun, la basse et la contrebasse sont deux instruments complètement différents : on passe d’un instrument fretté (avec des repères sur le manche – ndlr) à un instrument sans frettes. À la contrebasse, il faut donc faire appel à ton oreille 100 fois plus souvent. Et cela demande une implication physique beaucoup plus importante. Si tu n’as pas un minimum de technique, tu as vite le dos en vrac, tu te fais des tendinites… De la basse, je peux en jouer six ou sept heures, le soir j’ai mal aux bouts des doigts mais pas plus. La contrebasse au début, j’en jouais trois heures, je n’en pouvais plus, j’avais l’impression d’avoir couru un marathon.
En discutant avec d’autres contrebassistes, j’ai compris qu’il ne fallait absolument pas négliger l’aspect technique : il faut développer une technique irréprochable pour ne pas souffrir du dos, des bras… La contrebasse demande une pratique quotidienne. Si je n’en joue pas pendant quatre ou cinq jours et que je m’y remets huit heures d’affilée, je me mets le dos en vrac.
Je travaille la technique de jeu à l’archet depuis quelques années. C’est totalement différent de ce que j’ai pu travailler jusqu’à maintenant. Physiquement, c’est très exigeant, et pour les oreilles, un archet mal joué, c’est absolument insupportable. Pour pouvoir maîtriser cette technique, il faut compter 4 à 5 heures de travail par jour…

À bichonner absolument

Parfois, je me mets au boulot le matin et deux heures après, j’ai envie de brûler ma contrebasse. Parce que rien ne sort comme je voudrais. C’est presque une confrontation, un combat à certains moments. Et puis, c’est un instrument délicat qu’il faut toujours bichonner, qui craint l’humidité, le chaud… Les vieilles contrebasses notamment sont hyper capricieuses. Cela demande une attention quotidienne, comme une personne.
Il y a deux ans, j’ai acheté une nouvelle contrebasse parce que je ne progressais plus avec l’ancienne. Elle m’a coûté 8000 euros. Elle a été fabriquée dans des bois qui ont séché 50 ans, et bonifiée par un luthier qui l’a réglée selon mes envies.
La relation avec le luthier est hypra importante. Je n’ai pas les compétences pour modifier ou régler quoi que ce soit sur l’instrument. Je vais voir mon luthier une à deux fois par an, souvent avec des disques. Je lui dis : « j’adore le son de ce contrebassiste », et lui me répond : « il utilise tel type de chevalet, tel réglage, etc. » Il me guide dans mes choix.
Aujourd’hui, j’ai enfin le son que je voulais. À la basse électrique, je cherche encore… Mais bon, comme beaucoup de musiciens, question instrument, je suis un éternel insatisfait. »