À propos d’Archimède, on observe parfois chez le public du coin deux postures opposées. Ou bien l’admiration béate, la ferveur contagieuse à supporter sans relâche ce fier étendard du 5.3 qui a conquis Paris et les médias. Ou bien un cynisme de mauvaise foi et de bon aloi pour démonter l’entreprise victorieuse. Oublions ce qui peut agacer chez les deux frangins : les dégaines de poseurs et ce statut de sauveurs auto-proclamés de la langue de Molière, entrés en croisade, certes courageuse, contre l’hégémonie de l’anglais dans le format pop. Si le single « Le bonheur » et ses injonctions hédonistes un peu usées ne rendent pas justice à la qualité d’écriture du duo, les dix autres morceaux de Trafalgar le font à sa place. Qu’ils peignent avec ironie les dérèglements de l’époque en posant un pied taquin sur le terrain social (« Les petites mains », « Tout fusionne ») ou, plus modestement, les déboires d’un séducteur loser (« Je prends »), les rimes allègres et la gouaille font toujours mouche.
Musicalement, la production, en comparaison du premier album, gagne en richesse et les influences anglo-saxonnes période brit-pop se parent de quelques audaces bienvenues, comme ces motifs de guitare caribéenne sur « Nos vies d’avant ». Le savoir-faire mélodique reste une fois encore l’arme la plus bluffante et le vrai bonus addictif d’Archimède : il faut un sacré talent pour réussir à imprimer aussi durablement dans les synapses quelques suites de notes apparemment anodines. C’est ce qu’on appelle l’efficacité pop, et le groupe lavallois en est devenu, l’air de rien, l’un des maîtres étalons.