Le festival des 3 Éléphants s’impose aujourd’hui comme une référence pour le public et un bon nombre de festivals du grand Ouest. Une « reconnaissance » liée à la qualité de la programmation musicale, et à l’univers, l’ambiance d’un festival qui a su se forger une personnalité. Le pourquoi du comment dans cet entretien avec Jeff Foulon, programmateur et régisseur du festival, …où il est question d’évolution, de choix de programmation, de « gros » festivals et… de T.T.C !

[Entre mai et septembre 2014, Tranzistor fête son numéro 53. Un numéro spécial qui revient sur près de 15 ans de musiques actuelles en Mayenne. L’occasion de « re-publier » des articles parus durant cette période, et faisant écho à l’actualité.
À quelques jours de la 17e édition du festival Les 3 Éléphants, téléportation 11 ans plus tôt avec le programmateur des 3LF, Jeff Foulon, pour une interview parue en 2003, dans le n°12 de Tranzistor]

 

Jeff Foulon : Les 3 éléph’ n’ont jamais eu de ligne artistique définie. Il n’y a pas de règle, d’objectif artistique clairs… mais dès la première édition (en 98, ndlr) nous avons voulu faire quelque chose de différent, quelque chose qu’on ne retrouvait pas sur les autres festivals auxquels on allait, et ce quelque chose nous manquait. On recherchait plus de convivialité, d’intimité, plus de folie aussi… Du coup dès le début, on a programmé des « artistes de rue », on a travaillé la déco, l’ambiance. Un festival pour nous ce n’est pas juste une scène sur laquelle défilent des têtes d’affiches et une grande buvette dans le fond… On voudrait que pendant le festival les gens partagent quelque chose de fort… Pendant ces quelques jours, il y a une sorte de petite vie à part qui se crée, un petit village, une sorte de communauté où les gens se croisent, se rencontrent, se retrouvent dans un esprit et un univers surréaliste, un peu décalé par rapport au monde extérieur… Ça paraît con dit comme ça, mais on veut apporter du rêve aux gens…

L’identité des 3 éléph’, elle est aussi liée à ta programmation musicale, qui sans être aussi ciblée que celle d’un festival comme la Route du Rock, correspond à une vraie ligne artistique…

Là encore, il n’y a pas de grille, de critère de sélection définis. Après, c’est vrai qu’il y a une cohérence, qu’il y a des trucs qu’on ne fera jamais jouer, parce que ça ne correspond pas à l’image du festival, à ce qu’on veut défendre. La « personnalité » de la prog’, elle est liée au fait que tout simplement une prog’ c’est personnel, on fonctionne au coup de coeur. Ce qui m’intéresse avant tout ce sont les gens qui créent quelque chose de nouveau, qui dépassent leurs influences, qui affirment une personnalité… Ce sont les découvertes qui m’intéresse… pas de balancer des têtes d’affiche un peu n’importe comment.

Tu as quand même des têtes d’affiche dans ta programmation cette année…

Et je les assume, je défends tous les groupes qu’on reçoit, têtes d’affiche ou pas… cela correspond à des vrais choix.
On ne programme pas de la tête d’affiche pour faire du monde. L’objectif n’est pas de devenir un « gros » festival, on veut aller tout simplement vers quelque chose d’encore plus riche, de plus consistant, pas de plus « gros ». Je vois plutôt le fait de programmer des « têtes d’affiches » comme un prix à payer : si on veut faire plus de découvertes, plus de qualité il faut pouvoir rentabiliser tout ça, faire venir du monde… On est bien obligé de rentrer dans une logique économique… Ça rend plus difficile mon boulot de programmateur : je dois à la fois trouver un truc qui fait venir du monde et qui me plaît. Concilier mes goûts et ceux du public. Il y a plein de festivals aujourd’hui qui proposent un peu tous la même chose, on veut proposer au public quelque chose de différent. Ce choix-là, il se paie… Un exemple : l’année dernière, tous les festivals ont fait de l’argent sauf le nôtre, parce que la déco, les spectacles de rue, un budget artistique élevé… au final ça coûte… Il faut se rendre compte des risques que l’on prend quand on organise un festival. On gère un budget de plus de 300 000 euros… et en trois jours il faut que je ramasse plus de 275 000 euros pour équilibrer…. En 3 jours !
C’est dingue.

À ce niveau-là, on ne rigole plus…

Ouais, on a plutôt intérêt à être professionnels… Ce genre de festival, à partir d’un moment, il faut que ce soit géré par des permanents. Ça demande beaucoup trop de temps et d’énergie, il y a trop d’enjeux pour que ça soit géré par des bénévoles. En contrepartie, c’est clair que sans les bénévoles, on est rien. Notre rôle, c’est justement de faciliter leur boulot.

Ce n’est pas trop difficile de bosser dans une asso dont on est soi-même fondateur ?

Si… parce que le festival on est toujours dessus, ça devient un peu notre truc… le danger c’est de se l’approprier totalement, de prendre toutes les décisions en personne.
Mais on essaie de fonctionner au maximum de façon participative, chaque décision est longuement discutée, pesée avec les membres de l’asso…

Aller pour finir, parle-nous un peu de l’édition 2003, donne nous envie !

Ça sera plus rock que les années passées, avec des gens comme Laetitia Shériff, Vénus, Mickey 3D, Tokyo Overtones… J’ai un peu de mal à mettre un groupe en avant plus qu’un autre, ce sont tous mes groupes préférés du moment ! Il y a Gotan Project que je suis vraiment content de faire venir, leur live est énorme. Il y aussi Herbaliser, Homelife de chez Ninja Tune, DJ Claze : un dj new-yorkais qui fait une seule date en France cet été et puis T.T.C… leur disque est tellement excellent, tellement riche et puis en live ça tourne, c’est frais, ça tient la route.