Visite chez un bricoleur de génie, un Géotrouvetou poète, un inventeur touche à tout qui a refusé de choisir entre la peinture, la photo et ces merveilleuses machineries animées dont il a le secret. Fabrice Milleville nous reçoit dans son magique bric à brac.

« L’art, ça n’est pas ma vie ». C’est comme ça que ce Lavallois, né un 1er avril « dans les fifties », le dit : il n’a jamais vécu de son art, et il ne l’a d’ailleurs jamais voulu. Pourtant, partout dans le quotidien de cet instit à la retraite, l’art s’immisce, envahissant son jardin et les pièces de sa maison, cachée dans la campagne de Montigné-le-Brillant, à quelques ricochets de Laval.
C’est là qu’on le rencontre, au milieu d’un beau bazar où les innombrables objets de récup qu’il collecte voisinent avec les œuvres qu’il doit présenter dans sa prochaine exposition au Théâtre de Laval, prévue en novembre 2020, puis reportée en janvier pour être à nouveau repoussée sine die. Chargeurs de portable, jouets anciens, figurines en plastique, outils rouillés, vieux appareils photos, pots de peinture… Le plasticien a besoin d’être entouré de la matière première d’où naîtront ses créations. C’est ainsi que les idées lui tombent dessus. Son regard se pose sur un objet et paf ! Fabrice Milleville trouve, plus qu’il ne cherche.

Pogo infernal

Ici, trois squelettes en caoutchouc dansent un pogo infernal sur un haut-parleur que le son d’un synthé cheap fait vibrer. Là, trois crânes de corbeaux suspendus à une grille de frigo et animés par un moteur de four à micro-ondes font chanter de leur bec acéré un 78 tours, entraîné par une platine vinyle fatiguée. Souvent, les créations de l’artiste sont interactives et pluridimensionnelles, sonores, visuelles et tactiles, pour attiser la curiosité de celui ou celle qui passe à proximité.

Ses machineries « brindezingues » et poétiques, comme nombre de ses installations, photos ou peintures, teintent leur humour foutraque et leur caractère ludico-bricolo jouissif d’une ombre plus crue, voire cruelle ou critique. La mort est là qui plane… Et Fabrice Milleville oscille, ambigu, entre désir de mémoire et devoir d’insouciance, exorcisant nos peurs et les menaces qui pèsent sur notre avenir en péril. À l’image de ses peintures sur bois (du médium, un matériau modeste encore) qui mettent en scène, l’air de rien, l’apocalypse que les collapsologues nous prédisent pour demain.

Mais l’artiste n’a pas de message à délivrer, rien à revendiquer ou expliquer. Cet autodidacte prolifique, pour qui le travail du Douanier Rousseau ou de Robert Tatin a été « un départ », se laisse guider par ce que l’œuvre lui dicte. « Retrouver les gestes enfouis, renouer avec l’enfance », écrit-il à propos de son processus créatif, pour allumer dans nos prunelles d’éternels gamins une étincelle d’émerveillement.

Playliste
1- Neil Young – Cortez the killer
2- Robert Wyatt – Little red riding hood hit the road
3- Albert Marcoeur – Son sac
4- Joseph Racaille – Blues impérial


Chaque premier jeudi du mois à 21h sur L’autre radio, Tranzistor l’émission accueille un acteur de la culture en Mayenne : artiste, programmateur, organisateur de spectacle… Trois fois par an, Tranzistor part en « live » pour une émission en public. Au programme : interviews et concerts avec deux ou trois artistes en pleine actualité.

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