L’avez-vous déjà aperçu arpenter les rues de Laval ? Il déambule tel qu’illustré sur la pochette de son 3e album : grand black tout fin, feutre sur la tête, le pas calme et l’allure sereine. C’est l’enfant du pays. Mayenne, Tchad ou Suisse, qui sait ? Les trois certainement. Son « hip hop » n’est pas vraiment urbain ni brutal, mais plutôt du genre métissé et mental ! Comme chez Abd Al Malik ou Renaud Papillon Paravel, le texte est dense, mûri, réfléchi. Particularité : le ton sait se faire aussi cru que le verbe est précieux. Les thèmes ne connaissent quant à eux pas de limite : si les exactions de certains puissants et politiques africains sont à « l’horreur », Kaar Kaas Sonn nous donne aussi un succinct cours d’économie, ou nous conte la relation adultérine d’un black gardien de parking et d’une bourgeoise délaissée… Pour la manière de déclamer, de slammer et de rapper, la filiation avec Solaar est évidente : même précision dans l’articulation, même voix suave, mixée très proche de nous, quasiment susurrée au creux de l’oreille. Puisant dans les constats du quotidien, KKS brode ses textes avec une fausse légèreté, berçant une révolte latente.
Pour ce qui est de la bande son, on ne sait jamais sur quel pied danser, sauf quand il décide de nous faire swinguer sur un bon vieux madison à papy (un peu ringard, mais tellement bien écrit et entêtant). Tous les styles y passent : reggae, chanson, voire même une espèce de ska-rock encore non identifiée. C’est inclassable, parfois déroutant, mais on ne reprochera surtout pas à KKS le mélange des genres. C’est justement cette habilité à amalgamer les styles et les thèmes qui lui permet de se renouveler, titre après titre, disque après disque.