À près d’un mois de la 22e édition du festival Au foin de la rue à Saint-Denis-de Gastines, rencontre avec Lisa Bélangeon sur le chantier de La Station, futur tiers-lieu géré par l’association dionysienne. Depuis 2017, la coordinatrice générale de l’asso met ses convictions et son énergie au service de ce formidable projet qu’est le Foin de la rue.

 

« Garde, ça peut toujours servir ! C’est un peu la devise ici ! Du coup, on entasse, on entasse… », peste en souriant Lisa Bélangeon. Elle désigne plusieurs centaines de mallettes flightcases, empilées dans ce qui sert de bureau de chantier au site de la Station, futur quartier général de l’association. La récup, le système D, faire avec les moyens du bord… Tout cela fait partie de l’ADN du festival Au Foin de la rue depuis sa première édition, imaginée en 2002 par une bande de potes fauchée comme les blés mais débordante d’idées. Aujourd’hui, l’aventure a pris une toute autre envergure (l’asso brasse 1,5 million d’euros de budget annuel et 1200 bénévoles). Mais la philosophie « totale récup » perdure. « L’équipe déco réalise toute la scéno du festival avec moins de 3000 euros. C’est incroyable quand tu vois la taille et la surface des structures installées sur le site », s’étonne encore Lisa.

Actuellement à l’étroit dans un local vétuste, la vaillante équipe de constructeurs de l’asso disposera à La Station d’un atelier « bois » de près de 300 m2, auquel s’ajoutera un atelier « métal » muni d’une forge.

Situé en plein centre-bourg de Saint-Denis, cet ancien garage accueillera aussi les bureaux des salariées de l’asso, qui s’entassent aujourd’hui à cinq dans un préfabriqué sous-dimensionné. Mais surtout l’équipe du Foin disposera enfin d’un espace permettant de recevoir les groupes (scolaires, personnages âgées…) avec lesquels elle travaille toute l’année. Proposant une « outilthèque » et un « matériauthèque », La Station sera ouverte à tous : assos, festivals, artistes en résidence, artisans en création d’activité ou souhaitant tester un outil ou une nouvelle technique…  

Coût des travaux, qui devraient aboutir fin 2024 : 600.000 euros. Un vaste chantier, dont Lisa supervise le suivi. « Moi qui envisageais d’être architecte d’intérieur quand j’étais ado, je suis servie ! », rigole la trentenaire, sourire bienveillant et parler-franc d’une battante qui n’a ni froid aux yeux, ni la langue dans sa poche.

Blindtest du dimanche

Gamine, outre l’architecture, elle rêve secrètement de travailler dans le milieu culturel, d’organiser des concerts, de passer backstage… « À 12 ans, après un concert de Zebda, j’ai eu un déclic. Je me suis dit que j’aimerais un jour passer de l’autre côté, dans les coulisses, ne plus être spectatrice mais actrice ». Dans la région lyonnaise où elle a emménagé avec sa famille quelques années auparavant, la jeune ado écume les salles de concert et MJC, avec son paternel. Fou de rock anglo-saxon, il lui transmet sa culture musicale. « Tous les dimanches, avec ma sœur, on avait le droit à un blindtest et ça ne rigolait pas ! »

Après des études en « arts du spectacle », elle est recrutée en 2010 au sein de l’association créée par le groupe Les Blérots de R.A.V.E.L. Unique salariée, cumulant les casquettes d’administratrice, comptable, chargée de production et de communication…, elle apprend le métier. Son rôle d’alors ne diffère pas vraiment de celui qu’elle joue aujourd’hui au Foin : se mettre au service d’un projet et accompagner ceux qui le portent.

À Saint-Denis-de-Gastines, où elle débarque en 2017, la dynamique participative et associative est primordiale. Parmi le millier de bénévoles que mobilise l’asso, une centaine s’engage à l’année, répartis dans une trentaine de commissions.

« Certains y consacrent la moitié de leurs soirées », raconte Lisa. Et les initiatives, évolutions, décisions sont d’abord initiées par eux, puis appuyées par l’équipe salariée si besoin. Cette énergie associative est la richesse et la force motrice du Foin. Tout ce qui constitue l’identité de festival est né de là. À l’image de l’écologie : AFDLR figure parmi les premiers évènements à répondre aux problématiques qui s’imposent aujourd’hui à tout festival, manifestation au bilan carbone par définition lourdement négatif. Des toilettes sèches à la réduction drastique des déchets plastiques, le Foin améliore chaque année ses solutions pour réduire son impact environnemental.

Accès pour tous

Autre innovation pionnière et marqueur identitaire du festival : sa démarche en matière d’accessibilité, initiée il y a plus d’une dizaine d’années. Visant initialement les personnes en situation de handicap, le processus s’est élargi, avec l’objectif de prendre en compte les spécificités de tous les publics accueillis, des bambins aux seniors. Cette attention se traduit aussi par la volonté de conserver des tarifs accessibles à tous ainsi que de concocter une programmation éclectique et intergénérationnelle.

Mitonnée par le programmateur du festival avec une commission d’une quinzaine de bénévoles, la prog fait l’objet de « longs débats », confie Lisa. Recherche d’équilibre entre les styles musicaux, souci de défendre la diversité musicale et la découverte d’artistes émergents, nécessité d’épingler à l’affiche quelques artistes locomotives qui garantiront la bonne fréquentation du festival (15.000 entrées en 2022)… la programmation est le fruit d’un savant dosage.

Une équation que le contexte actuel rend de plus en plus complexe : en quatre ans, les cachets artistiques ont connu une inflation de 45%, tandis que le mouvement de concentration et de privatisation des festivals se poursuit (nombre des plus grands festivals hexagonaux sont détenus par des multinationales comme Vivendi ou Live Nation, aussi productrices des artistes qu’elles programment…). Conséquence : il est chaque année plus difficile pour les festivals associatifs sur le modèle d’AFDLR de s’aligner dans la course aux têtes d’affiche.

Comme le proclame la campagne « Vous n’êtes pas là par hasard », lancée en 2022 par le Syndicat des musiques actuelles (dont Lisa est membre active), une des clés réside dans la prise de conscience du public. L’avenir de ces festivals associatifs et territoriaux défendant des valeurs d’indépendance et de diversité passe notamment par son soutien. Tous au Foin de la rue donc, les 7 et 8 juillet prochains !

Playlist

1 – The Who – Won’t get fooled

2 – Les Blérots de R.A.V.E.L – Le Sol

3 – Kimberose – Escape

4 – Zaho de Sagazan – Les Dormantes

 
Chaque premier jeudi du mois à 21h sur L’autre radio, Tranzistor l’émission accueille un acteur de la culture en Mayenne : artiste, programmateur, organisateur de spectacle… Trois fois par an, Tranzistor part en « live » pour une émission en public. Au programme: interviews et concerts avec deux ou trois artistes en pleine actualité. 

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