Mélanie Planchenault

Réussite architecturale dont les artistes saluent la fonctionnalité, saison culturelle plébiscitée pour sa qualité… Le Théâtre Les 3 Chênes à Loiron-Ruillé peut fêter avec fierté sa 10e année. Visite et rencontre avec sa directrice, Mélanie Planchenault, au cœur de ce beau théâtre à la campagne.

Sa modestie naturelle empêcherait sans doute Mélanie Planchenault d’employer ce terme, et pourtant : le Théâtre Les 3 Chênes, c’est un peu son bébé. Lorsqu’en 2006, cette ex-Angevine atterrit à Loiron, le lieu n’existe pas encore. La saison culturelle du Pays de Loiron, qu’elle dirige, sillonne alors les salles des fêtes de cette intercommunalité rurale, aujourd’hui intégrée à Laval agglo.

Agenda chargée des salles polyvalentes, coût humain et financier conséquent (il faut recréer une salle de spectacles à chaque date)… Face aux difficultés qu’induisent la conduite d’une saison itinérante, les élus intercommunaux décident en 2008 de se doter d’un lieu de spectacle. Ambition affichée : offrir un niveau de confort et d’équipement équivalents à ceux des théâtres des centres urbains.

De 2008 à 2013, année d’ouverture des 3 Chênes, Mélanie planche sur le projet, dont elle assure la coordination. Une chance comme on n’en croise pas deux fois dans un parcours professionnel, mais aussi un sacré défi. Chaque détail compte et ils sont innombrables dans un équipement d’une telle envergure (5 millions d’euros de budget) et d’une telle complexité (le lieu associant salle de spectacles, espaces d’accueil du public, loges, bureaux, salles du Conservatoire…).

« Il faut faire confiance à la curiosité du public »

Dix ans après, les avis sont unanimes : le pari est parfaitement réussi. Récompensé en 2014 par le « Grand Prix d’Architecture » décerné par le Département de la Mayenne, le bâtiment séduit par ses lignes sobres et épurées, l’audace d’un bardage de bois noir qui vibre avec le rouge éclatant de son hall d’accueil largement ouvert sur l’extérieur. Résolument contemporain mais jamais austère, le théâtre s’intègre harmonieusement dans le paysage bocager qui l’entoure.

Souvent agréablement surpris par l’environnement rural et naturel du lieu, les artistes plébiscitent aussi son immense plateau scénique (10m par 18m) et la proximité avec le public qu’offre cette salle de 230 places. Le soutien à la création artistique est d’ailleurs un axe fort du projet du Théâtre. Sept compagnies y seront accueillies en résidence cette saison.

Avant/après

Quant au public, il semble avoir complétement adopté le lieu. Depuis 2013, les 3 Chênes affichent complet presque chaque soir. « Il y a eu un avant et après, confirme Mélanie. Le Théâtre matérialise la saison, lui donne une tout autre visibilité ». Ce qui n’empêche pas l’équipe de quitter son QG pour proposer régulièrement des spectacles au sein du territoire, ni de travailler en étroite concertation avec ses forces vives : conservatoire, assos, écoles, acteurs économiques… « Nous restons une saison culturelle de proximité, accessible et tournée notamment vers ceux qui ne sont pas des habitués des salles de spectacles », défend avec une tranquille conviction la quarantenaire, rappelant que 1500 jeunes sont accueillis chaque année au Théâtre pour un spectacle, un atelier, une rencontre…

Au-delà de « l’effet lieu », la réussite des 3 Chênes tient aussi à sa politique tarifaire incitative (avec un billet à 12 euros maximum) ainsi qu’à la qualité de sa programmation. Équilibre savamment dosé entre disciplines (théâtre, musique, danse, cirque…), exigence et accessibilité, artistes masculins et féminins, projets confirmés et découvertes… « Il faut faire confiance à la curiosité du public », assure la directrice du Théâtre.

« Une programmation porte forcément l’empreinte de celui ou celle qui la bâtit, reconnait Mélanie, elle qui pourtant oppose à l’ego, qu’impose parfois l’exercice, simplicité et humilité. Discrète, sa sensibilité se dévoile dans ses choix artistiques : elle aime les spectacles engagés, sur le féminisme par exemple, mais qui passent leur message avec humour et finesse, ou ces œuvres qui nous aident à comprendre ce qu’on vit, à mettre des mots ou à éclairer ce qu’on ressent confusément…

Sa programmation musicale high level, où l’on croise, parmi les habitués, Ballaké Sissoko, Vincent Ségal ou Piers Faccini (autant d’artistes hors format qui brouillent les frontières entre musiques du monde, folk, jazz ou classique…) trahit son lien fort la musique. « C’est peut-être ce qui me touche le plus directement. C’est avec la musique, par la pratique, j’ai commencé à forger ma sensibilité. Et j’ai aujourd’hui toujours autant de plaisir à découvrir et accueillir des artistes musicaux ». Plaisir partagé !