Dans le sillage des glorieux aînés Homestell, Birds in row ou As we draw, des jeunes recrues pointent leur nez sur la scène metal/hardcore. De Laval à Mayenne, la relève pousse et a soif de jouer !

C’était il y a 7 ans : à l’hiver 2009-2010, l’événement Rockin’Laval, à travers une expo, un ouvrage et moults concerts et reformations, retraçait 40 ans d’histoire (1960-2000) des musiques à guitares dans la ville palindrome. La décennie qui débutait alors a depuis donné raison à cette dynamique et entretenu la flamme électrique dans toute la Mayenne. En particulier sur son versant le plus âpre et volcanique : Birds in row, Calvaiire, WAITC, As we draw au rayon hardcore, Fat dead shit (composé en partie des ex-Homestell) ou The Brutal deceiver côté metal, ont émaillé les années 2010 de galettes coups de poing et de concerts surpuissants aux quatre coins de l’Europe – et même au-delà pour les Birds.
Ce vivier aurait-il inspiré d’autres musiciens sous nos latitudes – Toujours est-il qu’une jeune garde adepte du combo musique + violence, émerge aujourd’hui derrière les « darons » de la scène locale. Oui, les breaks de double pédale et les voix jaillies des entrailles continuent de résonner dans les garages et scènes du coin !

Chez Tonton Tess

Dans les studios de répétition du département musiques actuelles du conservatoire (Dmac), aux Ribaudières à Laval, David Tessier aka Tess a vu passer un sacré cortège d’énervés ces 20 dernières années. Autant de zikos et formations qu’il a chaperonnés à leurs débuts, avec une ambition qui reste la même aujourd’hui : qu’ils soient « prêts à jouer dans n’importe quelles conditions, du rade pourri à la grosse scène de cochon avec 40 kilos de son et des retours partout. » Et avec très souvent comme ADN commun dans ces esthétiques, « une grosse énergie, une motivation indéfectible et un sens inné de l’orga et de la démerde.  » Pour l’ancien batteur des Why Ted ?, des fers de lance tels que Birds in row ou As we draw – dont les musiciens ont aussi mis le pied à l’étrier sous ses conseils avisés – ont « clairement ouvert des vocations en Mayenne. »
C’est le cas en partie pour l’une des jeunes pousses du paysage hardcore, Once again it failed, qui revendique l’influence de la scène lavalloise, au même titre que celle d’autres « formations underground telles que Old gray, La Dispute ou Sport ». À la première écoute, le son s’y fait volontiers plus mélodique et aérien que chez leurs aînés du cru, mais gare aux mirages de cette veine post-hardcore : les trompeuses éclaircies précèdent souvent des tempêtes bien senties.
Tous élèves en terminale, François (batterie), Pierre (chant), Thomas (basse), Maël et Corentin (guitares) ont commencé, comme beaucoup, par faire leurs gammes entre les parpaings d’un garage, avant de rejoindre l’année dernière les studios de répétition du Grand Nord à Mayenne, ville d’origine du groupe. Encadrés par Bruno Legrand, coordinateur musiques actuelles du lieu, ils y ont aussi enregistré leur première démo 3 titres à l’automne : essai prometteur et sésame pour être sélectionnés cet hiver au tremplin Les Émergences. « C’est seulement notre quatrième concert, avoue François Geslin, batteur du quintet. On espère grâce à celui-ci gagner en visibilité et enchaîner des dates derrière. Le live, c’est un peu le but ultime, ça nous tient à cœur de partager sur scène ce sur quoi on bosse toute l’année. »

Metal aztèque

Pour Tonantzin, le récent concert aux Émergences fut carrément le baptême du feu scénique ! « On avait vraiment fait zéro concert avant, et autant dire qu’on a dû torcher un peu sur les répètes pour avoir un set de 35 minutes qui soit carré le jour J » reconnaît Rudy, chanteur et guitariste. Les quatre membres du groupe lavallois, 23 ans de moyenne d’âge, n’en sont pourtant pas à leur première communion, certains ayant officié quelques années plus tôt au sein du groupe de metal Rabhas. Avec Tonantzin – du nom d’une déesse mère dans la mythologie aztèque – on quitte les terres hardcore évoquées plus tôt pour entrer de plein fouet dans un metal tonitruant, qui se refuse aux étiquettes et aux chapelles du genre : « On ne se fixe pas vraiment de limites ni de cap précis, souligne Rudy. On ne se dit pas « là on va partir sur du death, là sur du black ». »
C’est encore l’incontournable garage qui accueille le groupe pour les répètes et autres sessions d’enregistrement : trois démos auto-produites y ont été bricolées maison. L’objectif pour demain ? « Trouver des dates ! J’espère que faire du metal ne va pas être un frein, mais c’est rassurant de voir que les autres groupes du coin arrivent à se démerder pour jouer. » Conscient d’évoluer en Mayenne dans un environnement favorable en termes d’accompagnement, Rudy regrette néanmoins « la fermeture des deux-trois bars lavallois qui programmaient du metal », ainsi qu’une ligne musicale du 6PAR4 « trop peu axée sur les musiques extrêmes. »

Sous-bois suspects

Les chevelus de Whisper Night y ont pourtant joué en 2015, partageant notamment l’affiche avec Fat dead shit, à l’occasion d’une soirée « C’est déjà demain ». Liam, le batteur du groupe créé un an plus tôt, s’en souviendra longtemps : « Jouer devant 300 personnes et dans des conditions techniques aussi pros, c’est vraiment quelque chose d’énorme quand on débute ! C’est grâce à Tess qu’on a pu avoir cette date. »
Après avoir bossé avec eux durant deux ans aux Ribaudières, le coach en rock’n’roll le plus célèbre du 5.3 leur propose de jouer dans la salle de concerts lavalloise : « Ils étaient fin prêts ! Des très bons zikos, tous ultra motivés, à chercher des dates partout. Aujourd’hui, ils commencent à devenir autonomes et à bien décoller. Et ils envoient aussi du steak avec leurs clips. »
Esthétique léchée et délicieusement glauque, ambiance friches industrielles et sous-bois suspects : les vidéos de « Broken lies » ou « You’re not alone » – drivées par le père de Liam, Lorenzo Barbier, ex-guitariste de groupes de metal locaux à la fin des eighties – sont l’une des marques de fabrique de ce jeune (ils n’ont pas encore 20 ans) combo metalcore mettant tous les atouts de son côté. « On a tous les mêmes ambitions depuis le départ : vivre un jour de notre musique ! Là en début d’année, on sort un premier EP, Silent scream, et on démarre une tournée dans la foulée. » Direction Nantes, Angers, Rennes ou Tours… mais une seule date dans le département, chez l’inoxydable Philippe à Montenay. Pour Liam Barbier, le manque de lieux en Mayenne pour les groupes de musiques extrêmes, « c’est le gros point noir, notamment à Laval. Une salle où les groupes de la scène underground mayennaise pourraient se produire serait plus que bienvenue ! »