Étrange sentiment à la lecture de l’avant-dernier roman de Denis Michelis, Le bon fils. Une fable grotesque et cruelle, à la fois réaliste et onirique, dont on ne sait jamais tirer le vrai du faux, le réel du délire, le comique du pathétique. Actuellement invité en résidence par Lecture en tête, l’écrivain parisien aime semer le doute. Son dernier livre, État d’ivresse, met en scène une femme en lutte contre de son addiction à l’alcool. Là encore, le lecteur hésite : dit-elle la vérité ou maquille-t-elle les faits pour faire bonne figure ? Doit-on la plaindre ou la désapprouver ? L’ écriture même, concise, volontairement minimaliste, bannissant toute psychologie, se refuse à trancher, laissant cette liberté au lecteur. Une écriture de l’ambiguïté et du malaise qu’explorent aussi les œuvres de Joyce Carol Oates, Stephen King, Maupassant ou Lydie Salvayre, autant d’« auteurs de chevet » pour Denis Michelis.
Ancien journaliste, le romancier vit de sa plume depuis « deux ou trois ans », grâce à ses livres, mais aussi et surtout grâce à son activité de traducteur, les ateliers d’écriture et les résidences, comme celle qu’il mène depuis novembre en Mayenne. Douze semaines pour « écrire sans être parasité par le quotidien ou les soucis financiers ». Un temps privilégié pour tester des choses sans obligation de résultat, et s’atteler à son prochain roman, qui prendra la forme d’un polar. « Depuis les grandes tragédies grecques, la littérature ne parle que de la mort et de la façon d’y échapper ». Adepte des techniques de creative writing, il dirige également quatre ateliers d’écriture, où il insuffle ses obsessions et son « univers parfois sombre, ironique, macabre. » Aussi au programme : des rencontres et un « stand-up littéraire », qu’il expérimentera le 5 mai en clôture du Festival du 1er roman à Laval. Un événement dont il salue la qualité. « C’est rare qu’un festival conjugue une telle exigence de contenu avec une telle fréquentation : il y a toujours un monde dingue ! » Parmi les nombreux rendez-vous (lectures, rencontres, concerts, films…) prévus du 2 au 5 mai, en présence d’une quarantaine d’auteurs invités, on notera l’entretien qu’animera Yahia Belaskri avec Gérard Mordillat, le café littéraire « Ma boussole, mon amour » avec Pauline Delabroy-Allard ou la table-ronde « Informer, rapporter, être au monde » avec Sorj Chalandon, Aude Lancelin et Jean-Baptiste Malet.