Avec ce quatrième venu dans sa discographie, Bajka fait peau neuve. Toujours « zaïedno » (ensemble en serbe) après 15 années de bons et joyeux services, le groupe a pris en 2013 une année de pause activement vagabonde. Le temps pour la clarinettiste Céline Drancey-Katsarova – venue entre autres de la troupe cousine Bashavav – de rejoindre les quatre initiaux camarazii après le départ du saxophoniste Fabrice François, voguant désormais vers d’autres aventures.
Du mouvement et de l’échange est donc née cette nouvelle fable des Balkans, qui brûle une heure durant entre langueur frénétique et extase adoucie, mélancolie capiteuse et enivrement lascif. Bercé de l’âme tzigane, parfois teinté d’aires juifs klezmer, le fin fatras instrumental – clarinette, trompette, accordéon, soubassophone, percussions et chants – éveille l’émotion d’intenses fêtes de la vie, quand le temps ne s’égrène plus, que les chants insufflent au vent l’irrationnel chaos d’espoirs, de joies et de chagrins. S’il est risqué d’empoigner Kusturica dès lors que l’on médite Europe de l’Est, ledit bonhomme s’avère décrire le même tumulte d’humeurs, de sentiments lunatiques entrelacés qui imprègnent la beauté de ce Zaïedno. Un pari réussi, tant ce nouveau disque gagne – encore – en finesse, justesse et émotion, alternant hymnes traditionnels revisités et très belles compositions : la poignante « Muro rom », l’irrésistible et débridée « Serbia », ou l’ultime et réconciliante « Muro ilo ». Amère accalmie marquant la fin – momentanée – d’un voyage qu’on espère voir Bajka continuer longtemps, ensemble!