Le milieu des musiques extrêmes a ceci de fascinant que l’on croit toujours avoir atteint le paroxysme de l’inaudible, de la violence ou de la déstructuration, que la messe est dite et que l’on ferait mieux de passer à autre chose. Puis régulièrement vient un album tel que Forceps à la fois rassurant et inquiétant : rassurant parce que preuve des ressources exaspérantes de ce registre, inquiétant parce que révélateur du plaisir sado-maso que les musiciens et leur public tirent conjointement d’une pure invitation à la violence.
Ce que la musique produite par Calvaiire inspire tiendrait tantôt d’une errance hallucinée dans l’horreur d’un abattoir, tantôt du pillage frénétique d’une armurerie. Une voix hargneuse et porcine vocifère des condamnations ordurières et contribue largement au caractère foncièrement malsain de l’album. Les hurlements se muent parfois en misérables tentatives de chant sur des arpèges dissonants et incantatoires tirant sur le black metal. Affûtées comme des hachoirs, basse et batterie charcutent à tout va, quant aux guitares suraiguës, elles mettent beaucoup de soin à n’en prendre aucun, crades à souhait. C’est d’ailleurs l’un des tours de force de ce disque impressionnant, qui parvient à être à la fois franchement tranchant et vraiment sale. Servi par une iconographie mi-« piété flamboyante XVe siècle », mi-« décadence romaine », Forceps invite à s’interroger : qu’est-ce qui peut pousser des types sains d’esprit à se complaire ainsi dans une telle barbarie musicale ? Au-delà d’une posture esthétique purement gratuite, certainement pas mal de colère, un gros besoin de catharsis, et sans l’ombre d’un doute, un goût prononcé pour les expériences extrêmes et la franche rigolade.