Portraits de quatre (p)artisans de l’éducation artistique en Mayenne : Florence Gerbeaud, Pierre Imbert, Johann Lefèvre et Dany Porché.
Johann Lefèvre
Directeur de l’établissement d’enseignements artistiques (ÉEA) du Pays de Craon
Pour ce trompettiste fondu de jazz, à la tête de l’ÉEA du Pays de Craon depuis sa création en 2013, un conservatoire ne doit pas être un simple lieu d’apprentissage, mais un acteur culturel à part entière de son territoire, en particulier en matière d’éducation artistique.
Ainsi, l’ÉEA a mis en place un important dispositif de musiciens-intervenants sur l’ensemble du territoire intercommunal. « On a une équipe de choc de dumistes avec chacun ses spécificités, les réunions de travail sont riches et les projets foisonnent ». En effet, Anne Dugué, Laura Marteau et Franck Wlekly interviennent auprès des publics les plus divers en lien avec les acteurs du territoire (écoles bien sûr mais aussi relais petite enfance, crèches, ÉSAT, ÉHPAD…).
En parallèle, l’ÉEA décide en 2015 de mener un projet d’initiation musicale au sein du collège Alfred Jarry de Renazé sous la forme d’un orchestre à l’école. L’idée : confier des instruments à une classe d’élèves volontaires, dont une partie du temps scolaire (2 h par semaine) est consacrée à l’apprentissage musical avec les profs de l’ÉEA. Depuis deux ans, Didier Bruno, professeur de musique du collège, travaille main dans la main avec l’équipe de l’ÉEA pour développer chez les élèves le plaisir de jouer ensemble, à la manière des marching bands de la Nouvelle Orléans. Ce projet prévu pour ne durer que deux ans connaît un tel succès qu’il est reconduit et étendu de la 6e à la 3e ! Last but not least, les jeunes musiciens renazéens ont eu la chance de se rendre à New York en mai 2017 avec leurs camarades de Gorron et de Château-Gontier pour y jouer et s’en mettre plein les yeux (et les oreilles).
Florence Gerbeaud
Professeure de français au lycée de l’Immaculée-Conception à Laval
Cette passionnée de littérature contemporaine et grande lectrice s’implique depuis plusieurs années dans la vie de Lecture en tête, association de promotion de la lecture et de la littérature, qui organise notamment le Festival du premier roman et des littératures contemporaines.
Chaque année, en fonction des classes dont elle a la charge, cette tête chercheuse construit pour ses élèves un parcours aux petits oignons qui passe souvent par l’étude d’extraits d’œuvres contemporaines, « Lagarce, Mauvignier, Mouawad et bientôt Viel… Dès que je peux, j’introduis du contemporain », et par des rencontres artistiques, spectacles… Elle s’appuie pour cela sur les propositions de Lecture en tête et des autres acteurs culturels locaux.
« J’envisage la participation au Festival du premier roman plutôt avec mes classes de seconde. À partir de la lecture d’un ou deux romans de la sélection, nous participons à l’un des temps organisés pour les publics scolaires. Cela prend la forme d’une rencontre avec un auteur, suivie d’un atelier d’écriture ou de mise en voix et en espace ». Pour sa séquence « théâtre et représentation », qui vise à rendre compte en classe de première « de la théâtralité des textes », elle emmène quand elle le peut ses classes au Théâtre de Laval. Pour l’enseignement d’exploration « littérature et société » en seconde, elle passe en « mode projet » et fait feu de tout bois : rencontre avec Sorj Chalandon dans le cadre d’une réflexion sur le journalisme, travail sur les œuvres du plasticien Jean Lecointre avec l’association L’Art au centre, en lien avec un projet sur la place de l’artiste dans la société… Selon elle, rien d’exceptionnel dans sa pratique, « cela fait partie de notre mission d’enseignant, non ? ».
Dany Porché
Enseignante retraitée, co-fondatrice d’Amlet
Elle a transmis sa passion du théâtre à des générations d’élèves passés par ses cours, d’abord au collège de Martonne puis au lycée Douanier Rousseau à Laval. Retraitée depuis 2012, Dany Porché peut être considérée comme la principale artisane – avec le metteur en scène Didier Lastère – du développement du théâtre à l’école en Mayenne. Et ce n’est pas un hasard si l’on associe ici ces deux figures : l’un comme l’autre se voue un respect et une reconnaissance infinis depuis leur rencontre pour la création de l’option théâtre du lycée Douanier Rousseau en 1989. Ensemble, ils incarnent à merveille le partenariat enseignant-artiste tant défendu par cette tenante du théâtre-éducation.
Arrivée en Mayenne dans les années 1970, elle est alors de ces jeunes enseignants qui pensent changer le monde en changeant l’école. Elle nourrit sa pratique des recherches de l’époque, notamment autour de la pédagogie de projet, et en arrive à introduire la pratique théâtrale dans son cours de français. Dès lors, elle s’engage dans des collectifs en Mayenne et au niveau national. Ainsi naît en 1988 l’association mayennaise de liaison école-théâtre (Amlet) dont elle sera longtemps présidente. L’équipe bénévole de l’association développe le théâtre à l’école notamment par la formation et l’accompagnement des enseignants et des artistes, et l’organisation des Printemps théâtraux, une opération qui, de la maternelle au lycée, permet chaque année à une cinquantaine de classes de bénéficier de l’encadrement d’un comédien professionnel, de rencontres et d’ateliers avec des artistes…. Avec à l’issue, un temps de restitution collectif dans un lieu de spectacle du département.
Auteur de plusieurs ouvrages sur le théâtre, formatrice, en recherche continue pour agir le mieux possible avec les contraintes du cadre scolaire, elle continue d’œuvrer pour transmettre « le virus du théâtre » avec une bienveillance et un plaisir contagieux.
Pierre Imbert
Danseur
Aussi loin qu’il se souvienne, Pierre Imbert est danseur. Un métier et surtout une manière d’être au monde qui utilisent le langage du corps. Autour de l’an 2000, il fait la rencontre de Marcelle Bonjour, militante pour la danse contemporaine à l’école et fondatrice de Danse au cœur (centre national des cultures et des ressources chorégraphiques pour l’enfance et l’adolescence). C’est une révélation pour le danseur qui retrouve là le plaisir et la spontanéité de la danse que les années de tournées lui ont fait oublier. Impliqué dans la réflexion, la création d’outils pédagogiques et la formation des enseignants et des danseurs à l’échelle nationale, il intervient aussi depuis une quinzaine d’années comme artiste pour Danse à l’école en Mayenne, dispositif porté par Mayenne Culture et les conservatoires du département.
De la maternelle au lycée, la danse à l’école s’appuie sur la rencontre d’un artiste et d’un langage artistique. « On met les élèves en état de danse. On les amène à travailler sur l’imaginaire, le sensible, la créativité au service d’un propos, d’une intention. On leur donne les outils pour qu’ils puissent parvenir à un dévoilement de soi à travers le geste dansé. Il s’agit de dire, d’aller chercher en soi ce que nous portons et de le mettre en œuvre dans une construction collective ». Le partenariat avec l’enseignant est essentiel. « On est sur le temps scolaire, on fait appel à un certain nombre de compétences et on touche à tous les domaines dans un objectif de transversalité. C’est un projet structurant pour la classe et c’est l’enseignant qui en est le maître d’œuvre. »
Un souvenir – parmi d’autres – l’accompagnera dans sa nouvelle vie en Uruguay où il s’installera cet automne, celui d’élèves en difficulté avec le langage, « qui ont trouvé dans le langage du corps une manière de porter leur propre expression, mais aussi une ouverture pour dire et montrer d’eux-mêmes, en étant dans une émotion honnête et sincère ».
Article paru dans le dossier « que fait l’art à l’école ? » du numéro 61 du magazine Tranzistor.
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