De la poésie aventureuse de OXO au metalcore surpuissant de Sujin, en passant par le rock bondissant de Club Mutant : sacrée montée en puissance pour cette émission live, réalisée dans le magnifique Théâtre des Ursulines à Château-Gontier.

 

Faire corps, c’est ainsi que s’intitule le second album d’OXO, que le groupe dévoilera au fil de l’année 2024. C’est aussi le titre du premier morceau de son live, qui ouvrait cette émission. Faire corps. Une entrée en matière qui, en deux mots, définit, mieux que n’importe quelle étiquette, cet objet sonore et visuel non identifié qu’est OXO, fusion d’un poète slammeur (Sam), d’un musicien chanteur (Lénaïc), d’une danseuse (Gene) et d’une chansigneuse (Larissa).

Sur scène, tous les quatre font corps, vibrant d’une même intensité, en constante interaction, connectés et branchés sur la même fréquence émotionnelle. Si les concerts font assez rarement l’objet d’un travail scénique approfondi, ceux d’OXO affirment eux une forte dimension visuelle, presque théâtrale. A chaque « chanson » correspond un tableau, où mouvements, interactions et chorégraphies résonnent avec le propos du morceau. Danse et chansigne répondent aux mots et aux sons, leur donnant corps, les incarnant dans une interprétation jamais littérale.

Au commencement, une rencontre, en 2005, où déjà Gene, Sam et Lénaïc mêlaient danse, chant et musique. Un groupe (baptisé L’autre) puis de multiples expérimentations suivront. Expériences que génère leur goût commun pour les projets hors normes, dont OXO est la dernière incarnation, née en 2021 des multiples confinements dus au Covid.

Au commencement, le verbe. Celui de Sam, qui slamme, jongle et compose avec les mots comme on le ferait avec les notes. C’est le son qui compte d’abord, le sens vient ensuite, souvent multiple, se dévoilant au fil des écoutes. Il faut donc s’immerger dans ce flot (flow) lexical et poétique comme on plonge dans la musique ou une image, sans chercher à tout comprendre. Mini-symphonies de poche évoquant parfois les comptines mélancoliques de Yann Tiersen, la musique des instruments étreint alors celle des mots, dans un corps à corps fécond.

 

Club Mutant. Un point pour le nom, intrigant, malin et dans l’air du temps. Mais dont les connotations second degré ou électro peuvent s’avérer trompeuses. Car, bien que parfois légères, les chansons de ce « groupe de potes » sont plutôt graves. Et pas d’électronique ici, c’est bien de rock qu’il s’agit. Guitariste et compositeur du groupe (comme dans son autre projet Super Shiva, il écrit tout de A à Z, basse et batterie comprises), Valérian cite comme références les rockeurs britanniques de Idles ou Fontaine DC, « pour le son, plus que pour la composition ». On pense aussi parfois à Frànçois & the Atlas Mountains (pour le chant en français et le timbre de voix de Guillaume) ou à Metronomy (pour le rôle central des lignes de basse, mélodiques et groovy, décochées par Aurélien). À l’écoute difficile cependant de distinguer clairement une influence précise, né en 2022, le quatuor a imposé d’emblée son identité avec une fraîcheur vivifiante, jamais alourdie par des riffs de guitare mille fois entendus ou plombée par des plans rythmiques rock archi rebattus (inventive et ouverte, la batterie de Hugo lorgne parfois vers des motifs afrobeat ou électro bienvenus).

Il y a de l’air, de l’espace dans la musique de Club Mutant. Chaque instrument y a sa place, bien définie, et chaque note, chaque phrase a son sens, son utilité. Ici pas de bavardage chiant, rien de démonstratif, ni de superflu. En live comme sur disque (le quartet sortait fin 2024 son premier ep), leurs tubes d’une efficacité pop imparable glissent avec fluidité et maîtrise, légèreté et puissance.

La sensibilité assumée du chant de Guillaume, sa présence scénique stoïque (bras croisés dans le dos, qui parfois s’accrochent au micro), le réalisme onirique et décalé des textes (signés pour la plupart par un ami, François Guias) renforcent la personnalité à la fois étrange et familière de ce club qui, on l’espère dépassera les frontières du département (qu’il a déjà bien sillonné) pour bientôt jouer en division supérieure.

 

Les mecs débarquent en bande. Le crew Sujin, c’est, au-delà des cinq musiciens du groupe, un caméraman, un ingé son, un responsable merch et quelques potes venus faire coucou… Tous facilement reconnaissables à leur allure de métalleux standard : percings, tatoos, tee-shirts de groupes aux lettrages illisibles… Au milieu, Julien, le frontman de Sujin dénote, avec son air de premier de la classe et son look classique. Sur scène, il entretient le contraste, avec sa petite veste de chanteur de pop BCBG. Mais dès que résonnent les premières notes : plus de doute, on a bien affaire à un chanteur de métal. Engagement physique intense (il finira plusieurs morceaux au sol, en transe), technique vocale virtuose… Impressionnant de justesse et d’aisance, puissant sans jamais passer en force, le vocaliste module sa voix à la perfection, variant les techniques et les effets de saturation, multipliant les nuances…

Il y a 10 ans, avec Liam (batterie) et Quentin (basse), Julien formait Whisper Night, qui en 2023 muait en Sujin (« peuple de l’eau » en japonais). L’arrivée récente de deux nouveaux guitaristes, Matt et Stève, a conduit le groupe vers de nouveaux terrains musicaux, entre le heavy metal mélodique des Scandinaves de Ghost ou Children of Bodom, et le death metal progressif de Gojira. Actant cette évolution musicale, le quintet sortira donc son premier album sous le nom de Sujin, en février 2024. Un changement de direction artistique qui s’accompagne d’un changement de braquet en terme de « stratégie » : signé sur le label italien Scarlet records, le disque fait l’objet d’une distribution nationale et d’une promo à grande échelle, avec notamment deux clips très classes, qui cumulent déjà près de 120.000 vues.

En live, le groupe a aussi clairement franchi une marche. Mise en place millimétrée, maîtrise technique manifeste, son hyper massif sans jamais être agressif… Le quintet joue à tombeaux ouverts, multipliant les plans, les changements de rythmes et d’ambiances. Balloté dans ce maelstrom sonore, on plonge sans jamais se noyer dans ces architectures abyssales, bouillonnant d’idées et de surprises, comme ces solos de guitare épiques, ces chœurs qui élargissent soudain le chant de Julien ou les mélodies implacables de « Wasted progress » ou « Dagon », points d’orgue finaux du set de Sujin. On replonge quand ?

Une émission proposée par Mayenne Culture, en partenariat avec Le Carré, scène nationale – centre d’art contemporain, L’Autre radio et L’Œil Mécanique.

 

Chaque premier jeudi du mois à 21h sur L’autre radio, Tranzistor l’émission accueille un acteur de la culture en Mayenne : artiste, programmateur, organisateur de spectacle… Trois fois par an, Tranzistor part en « live » pour une émission en public. Au programme : interviews et concerts avec deux ou trois artistes en pleine actualité.

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