Le 3 avril 2019, Delphine Le Lay et Alexis Horellou publiaient aux éditions Casterman Lucien et les mystérieux phénomènes. Une bande-dessinée jeunesse aux allures de conte humaniste et écologique , empreinte de poésie et riche d’enseignements.
Lucien et sa sœur Violette emménagent avec leurs parents dans un petit village de campagne accroché au littoral breton, pour renouer contact avec la nature. Aussitôt arrivés, l’épicier du coin leur raconte l’histoire du docteur, « mort une nuit sans lune », qui hanterait aujourd’hui encore la grande bâtisse dont il était propriétaire. Chasseur de fantôme aguerri et mis au défi par les enfants du village, Lucien décide d’aller explorer le fameux manoir. Mais plutôt qu’un fantôme, c’est une nouvelle vision du monde qui va s’ouvrir à lui. Se faisant passer pour mort, Honoré Price vit reclus, loin de ceux qui ne voient en lui qu’un vieux fou, pour vivre selon ses normes, en autosuffisance.
Adoptant une esthétique bucolique inspirée du style Art Nouveau, cet album de 96 pages bénéficie d’une superbe colorisation qui donne la part belle aux scènes de nature. Publié chez Casterman, il se présente comme un plaidoyer pour un éveil des consciences écologiques dès le plus jeune âge. Comme le disait Carlo Dossi : « les fous ouvrent les voies qu’empruntent ensuite les sages ».
Entretien avec les auteurs, Delphine Le Lay (scénario et couleur) et Alexis Horellou (illustration et couleurs), installés à Niafles et par ailleurs initiateurs du festival Rustine.
Comment est né Lucien ? Quelles envies ou ambitions sont à l’origine de ce nouvel album ?
L’origine du projet vient d’une histoire que Delphine connaissait depuis son enfance. La plage où elle passait ses vacances était surplombée d’une demeure dont on disait que le propriétaire était enterré dans le jardin, debout, face à la mer. Sur cette base, nous avions imaginé, il y a quelques années, une histoire de chasse aux fantômes, avec la découverte d’un vieil homme qui s’était retiré volontairement de la société.
Cette première mouture était sans doute fragile dans ses arguments. Au fil de nos derniers albums, qui abordent des thématiques sociales et environnementales, nos réflexions se sont nourries, nos opinions se sont consolidées, et il nous a paru utile de porter ces réflexions aux yeux des nouvelles générations. Nous avons donc repris cette histoire que nous aimions, en y mettant un peu du chemin que nous avons parcouru ces dernières années.
Déjà au cœur de votre précédente BD, Ralentir, les thèmes de l’engagement écologique et de la décroissance guident en effet cette histoire…
Ralentir s’inscrivait déjà dans la continuité de nos deux précédents livres Plogoff et 100 maisons parus chez Delcourt. Lucien poursuit ce chemin. Avec nos derniers albums, nous avons eu l’impression de toucher des gens déjà convaincus. Or notre souhait est plutôt de sensibiliser assez simplement pour éveiller l’envie d’en savoir plus. Le fait de s’adresser à la jeunesse avec ce nouveau livre vient de cela : l’envie de placer une étincelle dans l’esprit de non-initiés.
Quelles ont été vos sources d’inspiration ? Où puisez-vous vos références ?
Nos influences viennent principalement du cinéma, de gens comme Wes Anderson, Guillermo Del Toro. Nous aimons aussi la peinture, le graphisme, l’image au sens large. Nous avons également une pratique dans ces domaines, à côté de la bande dessinée. Alexis peint, Delphine grave des tampons et fait des illustrations en papier découpé, souvent dans un style Art nouveau, qui a pu influencer également Alexis dans la mise en page de l’album.
Comment avez-vous travaillé sur la colorisation ? Les couleurs sont incroyables, mais peut-être en rupture avec l’idée que l’on se fait d’un livre « jeune public » classique, est-ce un parti pris ?
Que ce soit au niveau de l’histoire, du trait ou des couleurs, nous ne présupposons pas des goûts et envies des lecteurs.
Les couleurs ici sont travaillées pour rendre une ambiance, susciter une émotion, un peu comme en peinture. C’est ce qui fait qu’elles ne sont pas réalistes, mais plutôt expressives. En même temps, lorsqu’on regarde les dessins de jeunes enfants, les couleurs sont souvent incroyables, pas du tout réalistes non plus et tellement expressives… C’est le regard des adultes et le formatage scolaire qui fait finalement faire aux enfants des ciels bleus et des arbres verts… Des codes conventionnels desquels ils auront du mal à sortir, y compris peut-être en tant que lecteur.
Peut-on imaginer une suite aux aventures de Lucien ?
Oui. Nous travaillons en ce moment sur un tome 2 de Lucien. Il ne s’agit pas d’une suite. Lucien vivra une nouvelle aventure, avec de nouveaux fantômes à chasser et un autre message sur le respect du vivant.
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