Super bricoleur ou génie des plannings… Dans les coulisses, ils œuvrent (presque) toute l’année pour accueillir au mieux public et artistes le jour J. Passage en revue de quelques postes clés, indispensables à la bonne marche de la mécanique festivalière.

Le chef brico-déco

Patrick Charles aux Embuscades

« On peut dire que Les Embuscades font partie de la famille », avoue, tout sourire, Patrick Charles, dont la femme n’est autre que la présidente de l’association organisatrice du festival cosséen. Longtemps spectateur, il en est devenu une des « petites mains » bénévoles dès 2002. Le quinqua a ensuite traîné sa bosse dans toutes les commissions qui font fonctionner ce « festival d’humour à la campagne », avant de consacrer son énergie à la décoration. Les Embuscades sont notamment réputées pour leurs idées de déco « loufoques », qui surprennent chaque année les habitués du festival et les autres. « Lorsqu’il y a un affichage ou une installation un peu bizarre en ville, les gens pensent aussitôt à nous ! » Cette réputation se mérite. L’équipe déco compte 25 bénévoles durant la phase de préparation. Ces passionnés commencent l’aventure dès le mois de janvier. Jusqu’au festival, fin septembre, ils vont imaginer, phosphorer, coller, souder, coudre… Banderoles dans les rues, objets non identifiés aux balcons, décors qui signalent les lieux de spectacle… L’enjeu est simple : « continuer à surprendre. »
En plus d’avoir un œil sur l’aménagement intérieur et extérieur des sites du festival, la gestion des parkings et la sécurité, l’infatigable bénévole participe à la conception du planning général du festival. « Une bible » indispensable à la bonne marche de l’évènement, qui inventorie toutes les tâches à réaliser heure par heure, du premier jour de montage au dernier jour de démontage.
Au fond, ce qui anime Patrick, c’est de vivre avec les autres bénévoles. Il conclut avec émotion : « un des artistes accueillis aux Embuscades m’a fait prendre conscience qu’au-delà du divertissement, le festival permet surtout de créer du lien social. »

La référente bénévoles

Lise Ledeul à Un dimanche avec Brassens & Cie

Chaque dimanche de Pentecôte depuis huit ans, la petite cité de Chailland accueille un bon millier de festivaliers, une trentaine de groupes et plus du triple de bénévoles. « Entre la restauration, la buvette, la logistique, le son… Une centaine de personnes sont mobilisées », précise Lise Ledeul, référente des bénévoles au sein de la petite équipe de huit personnes qui chapotent Un dimanche avec Brassens & Compagnie. Son rôle ? « Faire le lien entre les bénévoles et l’association, des préparatifs jusqu’au festival, et définir, avec mes collègues Isabelle et Benoit, le planning des bénévoles. » Tourangelle d’origine, la jeune femme de 35 ans s’est installée à Chailland en 2014 et a rejoint l’association il y a trois ans, pour son ambiance conviviale et familiale, sa solidarité et ses valeurs fédératrices si chères à Brassens.
Premier temps fort avant le festival, la « journée chantier » qui vise notamment à rafraîchir la signalétique de la manifestation. « J’adore cette journée ! Nous nettoyons, peignons… et prenons plaisir à être ensemble. » À J-2, il est temps de concocter la soupe minestrone qui sera servie aux bénévoles ! Le jour J, tandis que la restauration s’affaire aux galettes-crêpes-fourrées, Lise s’occupe de l’accueil et du guidage des bénévoles : « ce qui importe le plus, finalement, c’est que les bénévoles puissent profiter du festival ». Le thermos de café à la main, elle arpente les rues du village toujours prête à donner un coup de main au montage d’un barnum, à l’accueil du public ou à la buvette. Et le recrutement des bénévoles ? « Le bouche à oreille y fait beaucoup ; nous sommes bien rodés, c’est une affaire qui tourne ! »

La nounou des artistes

Carole Gautier Trebouet aux Entrelacés

« Un jour, une amie m’a demandé un petit coup de main sur Les Entrelacés, puis j’ai été enrôlée et j’y suis toujours ! », s’amuse Carole, 45 ans. Depuis 15 ans, elle, avec une soixantaine de bénévoles, met un point d’honneur à chouchouter les artistes à l’affiche de ce festival dédié aux arts de la rue. Des fleurs dans la voix, elle explique son rôle d’un ton enjoué. « Je m’occupe de l’hébergement, chez l’habitant ou, au besoin, en chambres d’hôtes, des 25 compagnies accueillies. En amont du festival qui a lieu mi-juillet, il faut recenser leurs besoins en couchage, leurs jours de présence, leurs horaires d’arrivée, etc. » En lien direct avec le programmateur du festival et les tourneurs des artistes, elle répertorie aussi les besoins des compagnies en loges, prend note des demandes spécifiées dans les contrats : nourriture et boissons souhaitées, etc. À l’approche du festival, les réunions se multiplient et la préparation logistique se précise : commande des gobelets, courses, transport du mobilier et aménagement des loges…
Bénévole aux 3 Éléphants pendant une dizaine d’années, Carole est aujourd’hui aux petits oignons pour les artistes des Entrelacés. Un peu maman poule, jamais étouffante, toujours souriante, en compagnie de sa joyeuse équipe, elle accueille les compagnies le jour J, les conduit jusqu’à leur hébergement, et veille à ce qu’elles ne manquent de rien tout au long du festival. Un job à plein temps ! Fidèle à l’esprit familial des Entrelacés et fière de porter ses valeurs de partage et d’accueil, elle apprécie par-dessus tout le lien privilégié avec les artistes que lui offre sa fonction. « C’est l’occasion de belles rencontres ; les accueillir est une partie de plaisir ! »

Le directeur technique

Tonio Canat au Chainon manquant

Disponibilité, adaptabilité et passion. Pour Tonio Canat, ce sont les trois qualités indispensables pour être directeur technique de festival. Et l’homme sait de quoi il parle. Né à Laval, ce ­Rennais d’adoption de 53 ans est dans le métier depuis plus de 30 ans. Il a grandi dans la musique avec son jazzeux de père. Mais ado, c’est plutôt le punk rock qui le botte. Musicien, il monte des groupes sur Laval puis il s’intéresse naturellement à la technique. En 1988, c’est la salle de concerts L’Ubu, à Rennes, qui l’accueille comme technicien du son. Mais Tonio a la bougeotte. En tournée avec Louise Attaque ou Dominique A, il est aussi sur les plateaux des Vieilles Charrues ou des Transmusicales.
Aujourd’hui régisseur général de l’Ubu, Tonio intervient sur de nombreux festivals, dont Les 3 Éléphants depuis plusieurs années. Cette année, c’est sa première collaboration avec Le Chainon et, malgré son expérience, Tonio ressent une pression particulière : « Ici, il ne faut rien rogner. Au Chainon, les artistes jouent leur avenir devant un public de professionnels. Ils doivent être dans les meilleures dispositions. »
Pour répondre à ces enjeux, Tonio va consacrer deux mois de préparation, étalés de mars à septembre. Associé au directeur artistique et à l’administrateur du festival pluridisciplinaire lavallois, il doit « s’assurer de la faisabilité technique et financière de la programmation ». Gestion du matériel technique, de l’identification des besoins au calendrier de montage, en passant par le choix des prestataires ; recrutement et coordination de la soixantaine de techniciens mobilisés ; suivi technique des 69 spectacles accueillis sur les 15 sites du festival… Tonio a du pain sur la planche, sans compter qu’il doit aussi constituer le dossier de sécurité du festival : « À cause des attentats, c’est un gros morceau, j’y consacre 40 % de mon temps ».

La cheffe cuistot

Anne-Laure Moussu au Festid’Al

Bénévole au Festid’Al depuis la première heure (soit depuis 11 ans), ­Anne-Laure Moussu, responsable restauration, veille au grain quand il s’agit de victuailles. « Nourrir et faire sourire nos bénévoles comme nos artistes et notre public » pourrait être le slogan de cette passionnée de cuisine qui « aime le contact avec les gens ». Conjointe du président de ce festival de musiques actuelles installé à Gorron, la trentenaire, technico-commerciale de profession, chaperonne l’ensemble de la restauration avec deux copilotes. Des menus concoctés pour les artistes à la restauration rapide pour les festivaliers, en passant par les 500 bénévoles, la tâche s’annonce plutôt gargantuesque : plus de 2 000 repas à prévoir sur deux jours… Si Anne-Laure mitonnera son fameux filet mignon pour les musiciens, elle peut compter sur son équipe d’une quinzaine de bénévoles pour servir sandwichs saucisse, jambon-beurre et autres paninis aux festivaliers. En matière d’approvisionnement, priorité au local. « Les trois boulangeries de la ville sont partenaires comme les Rillettes Gorronnaises, producteur de charcuterie, ou Barbé qui fournira plus d’une tonne de pommes de terre. »
La dernière édition a eu lieu les 12 et 13 juillet mais les réunions d’organisation ont commencé en février. « Tous les deux mois, l’équipe restauration se regroupe pour faire un topo, ajuster les besoins, répondre aux demandes spécifiques : menus végétariens pour certains artistes, whisky pour d’autres… » Et il faut parfois savoir faire face aux impondérables : horaires de repas modifiés à la dernière minute, pénurie de gobelets qu’il a fallu pallier en urgence l’an passé… Ce qui n’empêche pas notre cheffe cuistot, par ailleurs bénévole active au Foin de la rue, de conserver sa bonne humeur et son inaltérable sourire, même si elle s’avoue parfois « un peu frustrée d’être privée de concerts ».

 

Article paru dans le dossier « Festival de festivals » du numéro 66 du magazine Tranzistor.