Vous avez remarqué ? Les magazines musicaux ne parlent que des gens qui ont de l’actualité, untel sort un disque, untel part en tournée… Les Bajka, eux, ne nous préparent rien de tout çela,mais nous avions envie de rencontrer ces mayennais pur jus qui avec leurs costumes trop courts et leurs chapeaux cabossés, jouent aussi vite et aussi bien que les « vrais », la musique des tziganes, des roms et autres gitans…
Bajka c’est un univers chargé de tout l’héritage des peuples d’Europe Centrale, des tziganes, de ceux que l’on surnomme les gens du voyage. Succession de tableaux aux couleurs de fêtes, d’éclats de rires et de joies auxquelles se mêlent une indéfinie mélancolie, la musique de Bajka emmène les musiques traditionnelles d’Europe centrale (klezmer, tzigane…) vers une fenêtre ouverte sur le présent.

[En mai 2014, Tranzistor fête son n°53. Un numéro spécial qui revient sur près de 15 ans de musiques actuelles en Mayenne. L’occasion aussi de « re-publier » des articles parus durant cette période, et faisant écho à l’actualité.
Alors que Bajka sera l’invité « fil rouge » de la soirée-concert de lancement du n°53 le 7 mai, on ressort une interview du groupe, publiée en 2003, Tranzistor n°12]

 

Vous jouez principalement de la musique du répertoire tzigane ou klezmer (musique juive d’Europe Centrale)… on ne choisit pas ce genre musical là par hasard ?

Non, enfin si… puisque finalement Bajka s’est formé un peu par hasard ! « La compagnie du théâtre du tiroir » de Jean-Luc Bansard nous avait proposé d’animer une pièce qui s’intitulait « Les pinces à linges » sur la musique d’Olivier Messager. L’objectif consistait à créer une ambiance ouverte sur d’autres frontières, d’autres univers, avec pour thème les nomades, et plus précisément les gens du voyage et des pays de l’Est. C’est à partir de ce moment-là que le déclic s’est produit. Ensuite Vincent, Fabrice, Nicolas, qui étaient à la base du projet, ont décidé de continuer à jouer ensemble, principalement dans la rue. Jérôme (au tuba) nous accompagnait déjà, et ce depuis le début de notre histoire, mais en dilettante. A ce moment-là, on devait être en 98, Bajka n’était pas encore véritablement né.

Comment Bajka s’est-il alors formé ?

Au début, c’était une formation avec quatre musiciens puis la formation définitive et le nom de Bajka est né il y a trois ans avec l’arrivée d’Erwan à l’accordéon. Nous avons alors pas mal joué en Bretagne et dans le sud de la France, et puis on a eu la chance de rencontrer Roberto De Brasov un accordéoniste Rom d’origine roumaine,
cette rencontre a été super importante, on a énormément appris à son contact. C’était en quelque sorte un passeport afin d’accéder réellement à la culture musicale tzigane. Ce genre de rencontre, on en redemande !

Le choix de votre nom revêt-il une signification particulière ?

Nous l’avons choisi comme ça par hasard pour sa résonance… puis plus tard nous avons appris que ce mot possédait un sens réel, variant selon certains pays. En Polonais, Bajka signifie conte, fable et en Russe cela veut dire caboche !

Vivez-vous tous de votre musique ?

Non, nous avons quasiment tous une activité professionnelle à côté. Deux d’entre nous donnent des cours de musique et jouent dans d’autres formations. Vincent prépare son concours d’instituteur, Nico de prof de maths. Quant au cinquième et dernier membre, Jérôme, il est intermittent du spectacle (et joue du tuba avec Mael, ndlr). Vivre notre passion équivaudrait à ce que nous bénéficions tous du statut d’intermittents… mais pour l’instant cela nous poserait, entre autres, des difficultés de disponibilités… Cette orientation reste à l’état de projet.

Si vous aviez à définir Bajka…?

Nous sommes un groupe musical acoustique utilisant les instruments d’une fanfare classique, mais avec un nombre de musiciens réduit ; ce qui fait que notre formation peut jouer dans une multitude de lieux et de contextes : dans la rue, ou dans un bistrot, lors d’un festival ou même d’un mariage… On aime jouer partout et on recherche un rapport proche et intime avec le public. C’est ce qu’on aime, c’est ce qui nous plaît, ce côté à la fois festif et intime. Aujourd’hui nous orientons notre travail de façon à transposer le mieux possible cette ambiance sur scène, on engage notamment un travail sur toutes les questions liées à la scène avec Trempôle (pôle régional musiques actuelles, ndlr).

Quel plus beau souvenir gardez-vous de vos périples à travers la France ?

Une tournée faite dans les Pyrénées, où nous avons rencontré des personnes qui ont su garder leurs valeurs, plus exactement leur authenticité, un sens de l’intégrité qui correspond à ce que nous désirons transmettre au-delà de notre musique. Nous nous sommes mobilisés par exemple sur la question des sans-papiers…

Avez-vous essayé de contacter des maisons de disques ?

Nous n’avons jamais fait la démarche, on ne s’est pas encore décidé par rapport à ça. Pour nous cela ne représente pas une priorité absolue. Nous n’avons pas envie d’aller plus vite que la musique. Nous ne souhaitons pas réellement entrer dans un cadre marketing/promo…. Actuellement nous sommes libres et ça nous va bien… il n’existe pas de hiérarchie au sein du groupe, de son encadrement… De plus les maisons de disque ont une fâcheuse tendance à vouloir vous façonner. Pour l’instant, notre évolution se fait au gré des rencontres, nous avons joué par exemple avec une troupe de Rennes, ce qui nous a ouvert des portes vers des lieux de diffusion et de création… On peut peut-être s’adonner à sa passion pour la musique comme cela, tout simplement en conciliant une activité professionnelle à côté.

Quel serait le rêve de Bajka ?

De rencontrer de vrais gens du voyage et de mélanger leurs sons aux nôtres, partager leur histoire, ce qu’ils sont.