Quand on connaît la plume drolatique et virtuose du bonhomme, s’attaquer à la chronique du troisième album de Dj Zukry peut vite vous filer des complexes, et hanter vos nuits blanches pour des pages de la même teinte. Alors, on procède à une expérience simple pour ressentir l’essence même de la musique : on ferme les volets, on se plonge dans l’éclairante obscurité, on met ses écouteurs et on fait couler l’eau bénite dans ses oreilles. Si lors d’une première écoute dans une soirée entre amis, certains s’étaient étonnés que j’aie en ma possession des « compilations pour bar lounge », cet isolement au casque dans la nuit noire permet de mettre à mal ces peu flatteuses allusions. L’apaisement des sens face à la limpidité de cette ambient techno révèle un art minutieux de la mise en sons, relevant du travail d’orfèvre. Sur une grosse poignée de morceaux, l’harmonie zen des nappes liquides et des cadences minimalistes est zébrée par un maelstrom de petits bruits parasites, cliquetis métalliques ou samples vocaux agencés avec brio.
Parfois, le son devient plus dur, plus rugueux, et le charme opère moins, comme sur « Aphone et meurtri ». Mais ce voyage d’une heure au bout de la nuit propose quelques savoureuses escales à Detroit, Chicago ou Berlin, en passant par les terres du label Warp (Laconique, bel hommage aux Boards of Canada). On ressent l’amour sans bornes de Zukry pour les musiques électroniques, et sa science pour en faire une fusion cohérente, évidente et accessible. Et cela sans jamais se prendre au sérieux : lorsqu’on nomme ses plages « Les sales pattes du gosse sur le piano » ou « La filiation des ténias », c’est que l’on sait allier l’humour aux machines.