Itinéraire de cette émission live enregistrée au Théâtre de Mayenne : un tour d’Europe festif et joyeux avec la folk nomade de Duo Ropa, une plongée en eaux profondes avec la dark wave electro de Sorgue et, pour atterrir en douceur, une visite du petit monde fantastiquement fantasque qu’explorent les chansons électroniques d’Edda Bel Abysse. Bon voyage !
Transe Europe Express
L’histoire du Duo Ropa commence par une bouteille à la mer. Un mail en mode « ça te dirait qu’on fasse de la musique ensemble ?« , envoyé par Mavel d’Aviau à Thomas Gombert, dix ans après leur première rencontre à l’occasion d’une colo, dont ils étaient tous les deux animateurs. Très vite, les deux compères font la paire, réunis notamment par une passion commune pour les musiques trads. Ces « musiques qui viennent des gens« , transmises de bouche à oreilles, parfois depuis des siècles, et qui par essence laissent la liberté à qui veut de les réinventer. Notre tandem ne s’en prive pas, se faisant une joie de cuisiner à sa sauce cette matière première sans frontière, ni propriétaire.
Transfrontalière, la musique du duo traverse l’Europe, nous « catapultant » de l’Espagne à la Bretagne, d’une émouvante chanson de lutte italienne, à laquelle le doux chant de Thomas va comme un gant, à une danse balkanique endiablée où virevolte l’agile clarinette de Mavel.
Véritables hommes-orchestres (Thomas joue de la guitare, de l’accordéon, de la grosse caisse et de l’harmonica, tandis que Mavel alterne clarinette, clarinette basse et cornet à pistons), nos deux loustics se plaisent à brouiller les catégories stylistiques, mêlant sans complexe instruments acoustiques et effets électroniques. Là, passée dans une pédale « magique », la clarinette de Mavel se dédouble, mue pour se faire percussive et digitale. Ici, un rythme caribéen ou brésilien voisine avec une mélodie klezmer. Tandis que dans l’excellent « Francis Groove », un riff rock’n’roll percute un air d’avant-deux traditionnel, petit trésor local recueilli en Mayenne au début des années 80, lors d’un vaste collectage de musiques et chansons de tradition orale. Un répertoire cher à Mavel, qu’il explore par ailleurs en détails avec son frère, au sein du Duo D’Aviau.
Pensée pour faire danser, la musique de Duo Ropa fait fi des barrières générationnelles. Les jeunes comme les vieux goûtent ce cocktail vitaminé et joyeux, à déguster sans modération, comme « un petit vin blanc, frais et léger« , dixit Mavel d’Aviau. Tchin !
Intérieur nuit
Fin de party. Terminés les flonflons, on éteint les lampions. Et on plonge dans les eaux profondes et nocturnes de Sorgue (« nuit » en argot). « La mélancolie me va bien« , confie Jimmy Beucher, l’initiateur de ce projet solo, dont il a imaginé la création il y a près d’un an, lors de récurrentes insomnies. Comme pour conjurer les idées noires que réveillent ses nuits blanches. Pas anglophone et peu expérimenté en matière d’écriture de textes, il a confié ces derniers à une parolière. « Elle met des mots sur mes maux« , glisse-t-il. Car, pour lui, comme pour bien d’autres, la musique a une vertu libératrice et cathartique.
Impossible, vue la dimension intime et personnelle de ses chansons, qu’elles puissent intégrer le répertoire de Dezel, le duo électro-rock que Jimmy forme depuis près de 10 ans avec le guitariste et chanteur Julien Souriou. Chargé notamment des programmations rythmiques dans Dezel, Jimmy y a développé un savoir-faire qu’il mobilise aujourd’hui pour son projet solo, uniquement composé avec des machines.
Très influencé au départ par la cold wave, il y a insufflé peu à peu et sans préméditation de multiples inspirations, de Radiohead aux Chemical Brothers. Le tout sonne très électro, brut et synthétique, avec un tropisme assumé par les sons de claviers des années 80 et la synthpop, façon Depeche Mode. Évoquant d’ailleurs parfois la voix de Dave Gahan, chanteur du groupe britannique, ou celle du Français Gérard Manset, le chant serré, vibrant et métallique de Jimmy confère une couleur directement identifiable au son de Sorgue. Et quand, sans prévenir, le chanteur monte dans les aigus, en mode falsetto, il vous cueille par surprise et vous colle la larme à l’œil.
Même s’il est loin de faire ses premiers pas sur scène, le quarantenaire se confronte ici pour la première fois au rôle difficile, qui plus est en solo, de chanteur-frontman. Pour ce qui constitue (seulement) son second live depuis la création de Sorgue, il fait déjà preuve d’une belle assurance. Ultra-concentré, présent et engagé, il incarne sa musique physiquement, gestes sûrs et mouvements précis. Cette maîtrise, le musicien la doit sans doute à l’accompagnement dont il a bénéficié dans le cadre de cinqtrois. Porté par la salle de concert Le 6par4, ce dispositif lui a permis de profiter des conseils avisés de… Lila Gion, alias Edda Bel Abysse, intervenante régulière pour la 6par4, qui, heureuse coïncidence, lui succède sur scène pour le dernier live de cette émission !
Girl power pop
Il faut dire que le « seule en scène », Lila Gion connaît. Depuis la création de son projet solo, Edda Bel Abysse, elle a enchainé des dizaines de dates en solitaire. Elle qui, auparavant, avait écumé les scènes avec différents groupes, avait ressenti en 2021 le besoin de se retrouver, de prendre seule les rênes de sa musique, sans compromis, ni discussion. Histoire de pouvoir sonder à sa guise ses abysses personnels.
Cela étant, aujourd’hui, petit tournant : pour son premier album, qui paraitra en octobre, la musicienne a travaillé en équipe. Pour la production et la promotion du disque (confié au label La Couveuse), comme pour sa réalisation artistique, à laquelle ont contribué les regards extérieurs de Bastien Francoulon et Michel Djadjane, ainsi que moult musiciennes et musiciens, fournissant ces violons, flûtes et autres ouds qui enluminent les chansons de son nouvel opus.
Rythmiques électroniques, flirtant parfois avec la drum’n’bass, ultra fignolées, vapeurs dub, arrangements veloutés, groove r’n’b soyeux, ourlé d’ornementations orientales… La compositrice et chanteuse a soigné chaque seconde des 12 chansons de son futur disque. Ouvertement pop et mélodique (quelques jours après l’émission, on fredonnait encore les paroles des obsédants « Chaka Loubo » ou « Nana por el nino… »), sa musique recèle, sous son apparente simplicité, de moult détails, qui se dévoilent au fil des écoutes. « J’aime bien la pop léchée, confirme-t-elle, en évoquant son amour pour les genres qui, comme la bossa nova, sont très accessibles « tout en étant hyper fins, avec des lignes mélodiques extrêmement bien choisies, mettant en valeur l’harmonie ».
Mais les chansons d’EBA restent des chansons, plaçant les paroles au centre des attentions. Travaillant la langue comme une matière sonore, elle joue autant avec le son du verbe qu’avec le sens des mots. Poétique, son écriture cherche, et trouve souvent, sa musicalité propre, fluide et sensuelle, servie par une technique vocale high level.
Sur scène, une fois endossé le costume d’Edda Bel Abysse, la chanteuse se fait théâtrale à souhait, jonglant avec les archétypes féminins, entre gamine effrontée, vamp moqueuse ou rebelle pétroleuse… Mais femme puissante toujours !
Une émission proposée par Mayenne Culture, en partenariat avec Pampa!, L’Autre radio et L’Œil Mécanique.
Chaque premier jeudi du mois à 21h sur L’autre radio, Tranzistor l’émission accueille un acteur de la culture en Mayenne : artiste, programmateur, organisateur de spectacle… Trois fois par an, Tranzistor part en « live » pour une émission en public. Au programme : interviews et concerts avec deux ou trois artistes en pleine actualité.
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