Il y a une dizaine d’année un journaliste anglais inventait le terme trip hop. Bien que mal définie, cette catégorie musicale obéit à quelques règles, édictées par Dj Shadow ou le label Ninja Tune, références du genre. Craquements de vinyles, samples de trompette jazzy, beats hip hop old school… : Fabrice Bréjean, nouveau venu sur le micro-label lavallois q.o.d, n’échappe pas aux poncifs du genre. Mais à quoi bon faire la fine bouche? Avouons-le sans manière, le premier album de ce jeune beatmaker réserve de bien coupables plaisirs. Écouter ses « histoires courtes », c’est s’enfoncer avec bonheur dans un vieux fauteuil moelleux, un verre de cognac à la main et, de préférence, sous l’influence d’un psychotrope quelconque.

Tout coule. Cool. Pas de stress. Ici rien d’agressif, mais rien de lisse non plus. Pas de chic en toc, pas de chiqué pour faire beau dans le décor. On sent que Bréjean soupèse chaque beat, chaque ligne de basse. Chaque sample fait sens et même les extraits de dialogues de films, dont abuse généralement le trip hopeur lamba, sert son propos, traduit une pensée. À l’image de ces quelques mots de Belmondo : « je suis un voleur » qui ouvrent 30 shorts stories, métaphore évidente du musicien qui recycle les morceaux des autres pour fabriquer les siens.

Les titres s’enchaînent vite, dépassant rarement les 2 minutes 30. Adoptant un format inhabituellement bref, ces 30 histoires témoignent d’une créativité décomplexée et foisonnante. Fabrice Bréjean compose des miniatures sonores, comme on tourne des courts-métrages ou comme on écrit des nouvelles (ici plutôt des haïkus). Ses petites vignettes contiennent en germe des développements, des pistes qu’elles ne font que suggérer, un peu comme les premières lignes d’une histoire dont il faudrait inventer la suite.