Homestell « Des illusions »
Euh… je dirais C.Jérôme (rires). C’est Homestell. Je pourrais reconnaître le jeu de Nico, leur batteur, parmi des milliers d’autres. Je vais d’ailleurs bientôt retravailler avec eux, pour le pré-maquettage de leur premier album. J’ai un gros rapport affectif avec ce groupe, notamment avec Nico et HP, leur guitariste. Ils font partie des premiers musiciens avec qui j’ai travaillé lors de la création de Créazic, en 93-94.

Peux-tu revenir sur cette expérience ? Comment est née Créazic ?

En tant que musicien, je n’avais eu que des mauvaises expériences de cours ou d’apprentissage musical. Ce qui était proposé était complètement décalé, pas adapté à mes besoins… Je me suis donc formé sur le tas, en autodidacte complet, mais dès que j’ai pu, j’ai essayé d’apprendre aux autres, de transmettre… Créazic est né de là, du constat qu’il y avait un manque, des besoins auxquels personne ne répondait. On voulait proposer une alternative à l’enseignement musical standard. Au départ, on s’est pas mal cherché puis petit à petit, il y a eu du bouche-à-oreille et j’ai vu arriver des gars comme Nico ou HP… en pleine rébellion acnéique (rires).

Ils ont fait du chemin depuis…

Tu m’étonnes… Dans le genre, je pige vite, ils se sont placés ! Depuis le début, ils font preuve d’une motivation énorme. À force de bosser, ils ont progressé très vite techniquement, et le gros du travail avec eux, ça a été justement de dépasser la question de la technique. Le metal hardcore est un genre musical où la technicité occupe une place hyper importante. Le danger, c’est qu’elle prend parfois le pas sur la musique. Au début les gars ne comprenaient pas pourquoi je leur demandais de jouer moins vite ou d’en mettre moins… Ils ont réalisé par la suite qu’il était préférable d’en faire moins mais de le faire bien. Homestell a atteint aujourd’hui une puissance, une maturité technique et musicale super impressionnante… Leur premier album va être énorme.

 

k.driver « Rouflaquettes »
Ce morceau est excellent. J’adore la voix de Franz, leur chanteur. Elle me fait penser à celle de Jeffrey Lee Pierce, le chanteur du Gun Club, un vieux groupe de rock américain. Ils ont un son très rock’n’roll, bien brut… en plein de l’actualité en fait, avec le retour du rock à guitares, et des trucs comme The Hives, les Whites Stripes, les Strokes, etc. Au début, je n’aimais pas trop ce qu’ils faisaient, je trouvais ça un peu lourdingue, mais j’ai changé d’avis après les avoir vus en concert à la salle po, il y a quelques mois… Ils ont beaucoup évolué depuis 1 an. Il y a eu un vrai travail sur le son, la rythmique, l’énergie…

Comment expliques-tu cette évolution ?

Ça tient en un mot : le « pas débangage » (rires). En 6 ans, ils n’ont jamais lâché le morceau. Pour moi, c’est le groupe lavallois qui a le plus d’identité. Ils ne se sont jamais dit : « ça ne plait pas ce qu’on fait, on fait autre chose ». Depuis le début, ils ont une idée précise de que qu’ils veulent faire. Mais ils ont mis le temps qu’il fallait pour y parvenir, trouver leur son… Ils ont bossé à fond, revu leur copie un paquet de fois, avant de trouver leur voie. Mais au final, ça paie.

 

Montgomery « Mélody »
On dirait du Montgomery… Ce genre de mélodie à la « Vive le vent d’hiver », reprise à la sauce rock jean-foutiste, ça trompe pas (rires). Ils ont vachement évolué depuis leurs débuts : quand ils ont débarqué chez moi, ils faisaient du Korn (rires). Mais très vite, ils ont cherché à faire un truc original, décalé, vraiment à eux. Avec une ambition énorme mais saine et positive. Eux, c’est comme k-driver : ils n’ont jamais débandé. Je dirais que c’est le groupe qui s’est le plus cherché, remis en cause. Ils se sont pris des grosses claques, des concerts devant un public totalement insensible à leurs chansons. Faut dire que la plupart faisaient 15 minutes, c’était interminable (rires)…

C’est aussi le groupe le moins « rock » du lot…

Ouais, c’est clair. Ils ont un son plus pop, mais ce sont aussi les plus barrés, les plus expérimentaux. Ceux qui cherchent le plus à jouer sur l’émotion, la sensibilité… Ils arrivent aujourd’hui à une certaine maturité, à quelque chose qui leur ressemble vraiment.

 

Sling69 « Ties and lies »
C.Jérôme 2, le retour ? (rires). Sling, c’est 100% moulé à la louche à Créazic. J’ai un rapport affectif très fort avec eux, c’est un peu « mes enfants ». Dès leurs premières scènes, ils ont troué tout le monde. C’est le seul groupe avec lequel j’ai travaillé qui n’a pas eu à chercher son style. Ils avaient une identité cash, quelque chose d’original dès le départ. Dans la voix et le son de gratte de Bart, il y avait déjà tout, cette synthèse entre punk, pop, metal… C’était du bonheur de travailler avec eux, il y avait déjà tous les ingrédients… J’avais plus qu’à leur apprendre les ficelles pour bien jouer du punk-rock. Tu parles, c’était du gâteau pour moi qui baigne là-dedans depuis 15 ans. J’ai aussi appris beaucoup avec eux, comme avec les autres d’ailleurs. Notre relation avec les musiciens, elle se construit sur une notion d’échange, d’égal à égal, pas sur l’opposition prof/élève. Je ne crois qu’on puisse être « prof » de musiques actuelles, on s’adapte à chacun des musiciens avec qui on bosse…

4 ans pour Sling69, 6 ans pour k-driver, 5 pour Homestell…, ce sont des groupes qui durent…

C’est la preuve de leur motivation… Le travail à long terme, c’est ce qui est le plus satisfaisant, le plus constructif… On continue à se revoir et à travailler ensemble, en fonction de évolutions, des nouveaux besoins. Et puis il y a plein de nouveaux groupes qui arrivent, comme Hard Off Hearing, ou des auteurs compositeurs comme Kaar Kaas Sonn, Lui & Moi… C’est que le début!