Tous les ans, depuis près de 20 ans, le discret François Soutif signe un nouvel album jeunesse, diffusé par la prestigieuse École des loisirs. Des dessins, qu’enfant il ne cessait de crayonner, aux aquarelles de son magnifique dernier livre, discussion dans son atelier, à l’orée des bois. 

 

Comme tout le monde, je me suis perdu pour rejoindre La fosse au loup. C’est dans ce lieu-dit, que les GPS semblent avoir oublié, dans ce petit bout du monde où les bois grignotent le bocage, à quelques bornes du charmant bourg de Chailland, que se cache la maison de François Soutif 

Une ancienne habitation de bûcheron, toit bas et petites ouvertures, à laquelle ont été raboutées au fil des années de nouvelles pièces. Dont l’atelier de notre hôte, bel espace d’une vingtaine de mètres carrés, où de larges fenêtres (de récup) donnent sur une paisible clairière. Partout des livres, des disques… Dans un coin, un banjo et un ukulélé rappellent la place importante qu’occupe aussi la musique dans la vie de l’illustrateur, chanteur et musicien à ses heures. Aux murs, des dessins ou cartes postales qui, depuis des décennies le suivent de maison en maison, voisinent avec une affiche du festival local « Un dimanche avec Brassens & cie », dont il est l’un des initiateurs. En haut des meubles enfin, se perche un petit peuple d’impressionnantes sculptures en papier mâché, animaux ou créatures comme échappés des albums de leur géniteur.  

Autant qu’il s’en souvienne, François Soutif a toujours dessiné. « C’était mon truc« . Enfant puis adolescent, il crayonne tout le temps, copie ses BD préférées ou confectionne directement les siennes… Après une fac d’arts plastiques, dont il suit les cours sans conviction, il devient prof d’arts plastiques en collège. Après une dizaine d’années d’enseignement dans la banlieue parisienne, retour au bercail : à Rennes d’abord, où aujourd’hui encore, il enseigne les arts plastiques dans un centre culturel. Puis, il s’installe à Chailland, il y a environ 10 ans.  

Peu avant ce changement de vie, il publie, en 2004, son premier album jeunesse, Promenade, édité chez Kaléidoscope. La quasi-totalité de ses livres seront ensuite publiés par cette maison d’édition, propriété aujourd’hui de l’École des loisirs, où il jouit d’une totale liberté artistique.  

Depuis, le discret François Soutif, l’air de rien, illustre presque tous les ans un nouvel album. Soit 18 livres, dont il est aussi parfois l’auteur, et qui souvent s’amusent à jouer avec les codes, à détourner les contes : « et si le Petit poucet ne l’avait pas bien cherché finalement ? ». Dans ses albums entièrement illustrés à la main, son trait virevoltant invente des mondes cocasses, où la malice le dispute à l’intelligence.  

Glacis veloutés 

Selon les livres, son style varie, s’adapte pour interagir au mieux avec le texte qu’il illustre.   

Pour L’expédition rocambolesque du professeur Schmetterling, son dernier album cosigné avec l’auteur Vanessa Simon-Catelin, il a opté pour un dessin à l’encre de chine rehaussé de magnifiques aquarelles, aux teintes douces et veloutées. Des techniques de lavis ou glacis que François Soutif maîtrise à la perfection, entre effet de transparence, de texture ou de superposition des couleurs. Chaque double page de ce livre grand format est l’occasion de traverser jungle, sommets enneigés et autre fleuve fourmillant de mille détails. Du premier crayonné à leur touche finale, chacune d’entre elle a demandé « une à deux semaines de boulot« .  

Le trait du dessinateur s’y fait peut-être plus libre, plus lâché, spontané que dans ses productions précédentes. Comme si la dimension « carnet de croquis » de certaines pages l’autorisait à se libérer du souci de la perfection, de la vraisemblance, d’un certain académisme dont il aimerait parfois se détacher. Un croquis vibre d’une vie que perdent souvent les dessins plus léchés, constate-il. 

Le concert dessiné « Symphonie pour doudous » qui le verra accompagner sur scène l’Ensemble Instrumental de la Mayenne devrait le pousser encore davantage sur cette voie. Il y dessinera en direct les animaux mis en scène par les œuvres qu’interprétera l’orchestre, extraites du Carnaval des animaux de Saint-Saëns, de L’oiseau de feu de Stravinsky, etc. En quelques minutes, il lui faudra conférer à ses dessins l’expressivité qu’il aime tant donner à ses personnages. Un défi qui le réjouit. Depuis toujours, l’illustrateur considère la contrainte, non pas comme une limite, mais comme une source de créativité.  

 

Playlist 

1- Ricet Barrier – Stanislas (rendez-vous)

2- The Fratellis – Henrietta  

3- Mozart – Soave sia il vento (Cosi fan tutte) 

4- Schubert – Der Leiermann (Winterreise)

 

Chaque premier jeudi du mois à 21h sur L’autre radio, Tranzistor l’émission accueille un acteur de la culture en Mayenne : artiste, programmateur, organisateur de spectacle… Trois fois par an, Tranzistor part en « live » pour une émission en public. Au programme: interviews et concerts avec deux ou trois artistes en pleine actualité. 

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