Kaar Kaas Sonn est un Ovni. Il narre de longues chroniques, comme un griot, comme un slameur, sans emphase, d’un timbre égal et chaud. Quand il chante, sa voix est plus fragile, d’une fragilité qui se fait touchante parfois (« Yueng »).
Kaar Kaas Sonn revendique une filiation avec Brassens. Effectivement, on retrouve chez lui un goût pour l’effronterie salace, et pour la dénonciation des bassesses humaines. KKS est un Ovni parce qu’il ose des paroles comme « la problématique des bases militaires françaises » ; parce qu’il est capable de parler de sexe sans détour, puis d’embrayer sur Montréal, la crise économique ou les prêtres pédophiles. Au fur et à mesure se dessinent ses thèmes de prédilection : les femmes, la politique mondiale, l’Afrique. Tchadien et lavallois d’adoption, il n’épargne pas non plus les bonnes âmes occidentales. KKS vit ici, mais a gardé ses yeux d’Africain, et nous rappelle ce qu’on oublie de voir chez nous.
KKS est un Ovni aussi parce qu’il est prolixe : il s’étend sur 19 titres ! Devant cette quantité, on trouve bien quelques faiblesses mais 19 titres, c’est un album photo qu’on peut ouvrir où l’on veut. KKS propose et on dispose. On pioche et parfois jaillissent de géniales pépites : des refrains marquants ou des bijoux d’ironie comme dans « Casse-toi pov’ con » ou dans cette berceuse moqueuse pour tyran d’Afrique.
Sur ce second album, KKS a fait des choix musicaux judicieux. Comment accompagner des textes qui s’écoutent avec attention ? KKS a trouvé l’équilibre. L’Afrique entre en arrière plan musical : percussions, choeurs, un écho de balafon, et surtout un saxophone qui élève le débat.
Comme tout Ovni, KKS peut déranger, mais, comme tout Ovni, il peut se targuer d’avoir une identité qui fait la différence dans le brouhaha uniformisé de notre village global.