Avant même de devenir célèbre, Kaar Kass Sonn est un grand artiste. Il mesure au moins une tête de plus que moi. Vous me direz, ça ne fait pas tout, mais un black immense qui arpente les scènes mayennaises avec sa guitare et sa casquette, ça ne passe pas inaperçu. C’est un bon début.
Ces derniers mois, Kaar Kaas Sonn a connu quelques succès d’estime : Isabelle Dordhain l’a accueilli au Pont des artistes sur France Inter, France Culture et FIP lui ont ouvert leurs ondes… Et voici, que le plus tchadien des Mayennais nous pond un album pour ce printemps. Un beau bébé auto-produit, simplement appelé : Tacatacatacatacata (je n’en oublie pas ?).
Kaar Kaas Sonn débite son flot de paroles, accompagné d’une rythmique efficace et d’accords de guitare qui nous font penser à son lointain cousin Keziah Jones. KKS est une sorte de rappeur qui fait de la chanson, à moins que ce ne soit l’inverse. Ses morceaux aux rythmiques variées s’inspirent moins de l’esprit hip hop que de celui de la chanson française à la Brassens ou du récit à l’africaine. Bref, KKS n’entre dans aucune case, à la croisée de tous ces chemins parcourus, de ces cultures assimilées. Ses airs sonnent, ses mots craquent. KKS aime parler cru, pour l’amour comme pour l’amer. Il évoque sans complexe le sexe, sur « Sex Pugilat » ou « Fesses Promesses ». Mais l’instant d’après, il malaxe les concepts philosophiques, citant Bourdieu, Diderot, dénonçant Huntington. Son coeur noir le fait vibrer pour les maux qui rongent son continent : il dénonce les mines anti-personnel, les enfants soldats, les hommes politiques corrompus. Servie par une rythmique de transe frénétique, « N’aime pas les bonbons » est aussi redoutable que les gamins féroces qu’elle dénonce. La chanson emblématique d’un album original.