Commençons par une question chiante. Pourquoi faites-vous de la musique ?

Martin : euh… (rires). En fait vers l’âge de 15-16 ans, j’ai commencé à traîner dans les concerts de rock et à m’intéresser de près à la musique. Tout de suite j’ai voulu participer à ça. Quand je voyais le chanteur sur scène, je voulais être à sa place. Je me disais : « ça, il faut que j’essaie » (rires). Il y a pas mal d’hypocrisie par rapport à la notion de plaisir que cela procure d’être sur scène et de s’adresser à un public venu pour vous voir. Certains, négativement, verront ça comme la satisfaction d’un ego, un certain narcissisme… Mais tant pis, nous on le dit : on AIME être sur scène. Et c’est certainement une des principales raisons d’être du groupe.
Romain : c’est sur scène que tu partages ta musique avec le public, qu’il y a un échange. Sur disque, tu ne sauras jamais comment les gens vont écouter tes chansons.
Martin : et puis y a l’envie de faire passer à travers notre musique un message très simple : faites-vous plaisir. On est là pour faire la teuf, pas pour se prendre la tête, on a autre chose à faire. On n’a pas envie d’être donneurs de leçons, grands sages… Mais plutôt de faire quelques constats : il y a certaines choses dont personne ne semble se rendre compte, en tout cas dont personne ne parle, et qui moi, me donnent envie d’hurler. Le fait par exemple qu’une émission aussi nulle que la Star ac’ puisse faire 3 saisons, ou la pauvreté musicale des radios nationales. Je ne parle pas d’aller casser la gueule à Skyrock mais de proposer des alternatives. Y a pas de rock à la radio par exemple.
Romain : pour revenir sur l’importance de la scène, il faut aussi dire qu’aujourd’hui on ne serait pas où on est sans les concerts. C’est la seule voie pour « y arriver » aujourd’hui quand on est musicien.

Où en êtes-vous par rapport à ça ? Vous parvenez à vivre de votre musique ?

Romain : non, on est tous soit étudiants, soit salariés, mis à part notre sonorisateur qui est le seul intermittent du groupe.
Martin : on n’est pas intermittents parce qu’aujourd’hui pour un groupe comme nous c’est trop compliqué. On n’a pas envie de courir après les heures, les cachetons qui manquent. Je suis pour le système de l’intermittence évidemment : c’est très bien quand tu tournes un minimum et que tu as une certaine notoriété mais je crois que les petits groupes n’ont aucun intérêt à s’embarquer dans ce système-là. Juste un exemple : mettons qu’on joue en concert et qu’on reçoive 5000 balles, une fois les cachets de tout le monde payés, y a plus rien pour payer le camion, l’essence du camion, tes flys, tes autocollants, ta promo, le prochain disque… T’es bloqué, tu ne peux pas avancer ! Et puis tu bouffes des nouilles parce qu’à 8 avec 4 concerts par mois payés 5000 balles, je te garantis que tu bouffes des nouilles?! Je crois qu’à ce niveau là ce n’est pas une question de dates mais de cachets : les « petits » groupes, qui en général reçoivent des « petits » cachets, ne peuvent pas tous se payer à chaque concert, résultat : ils se relaient pour les cachets. Ce qui divise le nombre de dates par 2 ou par 3! Ça les amène souvent à des situations du genre : accepter des dates dans des lieux pourris pour des cachets de misère : tu sacrifies l’artistique à la bouffe…
Romain : devenir professionnel, ça fait partie du rêve, on aimerait tous vivre de notre musique mais bon… Y a encore du chemin. On verra bien.

C’est quoi le programme pour y arriver ?

Martin : tourner, tourner le plus possible, malgré nos emplois du temps. Essayer de présenter ce nouveau disque sur scène au plus de monde possible. Pour qu’on puisse en vendre au moins de quoi le rentabiliser… Si on rentabilise le premier, on aura plus de facilité à en faire un deuxième…

Ce disque, c’est une étape importante dans votre parcours, c’est pour ça que vous avez attendu 4 ans avant de le sortir ?

Martin : oui et puis on n’avait pas le temps, ni l’argent: rester en studio un mois ça coûte cher. Et puis même au niveau de la richesse des morceaux, on n’estimait pas qu’on avait de quoi faire un bon album. Là il tombe au bon moment, c’est vraiment le résultat de 4 ans de taf : un mélange de morceaux anciens parus sur nos 2 précédents maxis et de chansons plus récentes. Cet album est représentatif de nos 4 premières années et puis de notre évolution musicale vers quelque chose de plus velu, de plus rock.

Qu’est-ce qui a suscité cette évolution ?

Martin : c’est surtout lié au fait que l’on maîtrise mieux nos instruments. Des trucs métal, rock-fusion, avant on ne savait pas faire. Mais bon c’est normal, on apprend, il y a 4 ans, on faisait un peu ce qui nous tombait sous les doigts. On faisait du reggae sans avoir aucune notion du jeu reggae, sans connaître les ficelles… Petit à petit, on s’est amélioré techniquement et ça nous a ouvert des nouvelles possibilités.
Romain : on a appris aussi énormément en studio, le travail de studio fait vachement évoluer. Et puis il y a les influences. Au début, c’était la Ruda. Maintenant ça va un peu d’Asian Dub à Pierre Perret (rires).
Martin : c’est vrai que ça s’est élargi énormément, on est beaucoup plus éclectiques dans nos goûts et ça se ressent dans nos chansons. Après je comprends les gens qui disent que c’est le bordel. Y en a qui n’aiment pas ça. Les majors en l’occurrence. Pour eux, tu ne peux pas vendre un truc qui ne ressemble à rien. Il faut que tes 14 morceaux soient homogènes et que d’une chanson à l’autre, on reconnaisse le groupe. Là avec notre album, c’est difficile. Mais on n’a pas envie d’être homogène. Ce qui est sûr c’est qu’on ne répondra jamais à la demande d’une maison de disques qui nous dit : « votre disque n’est pas homogène, refaites-le ». Pour revenir à ta question sur notre évolution, ce virage rock, c’est venu naturellement. Ça correspond à notre attitude, à notre vision actuelle des choses, peut-être plus mûre. On est, on le dit un peu ironiquement, « jeunes, méchants et pas contents ». Et ça, ça se crie. Ca implique forcément une musique plus dure, plus sombre.

Un dernier mot sur l’album ?

Romain : comme tous les musiciens qui sortent de studio, on n’est jamais satisfaits à 100% de ce qu’on a fait. Mais bon, on est quand même plutôt fiers de notre bébé.
Martin : c’est un album assez sombre, très varié, avec des morceaux bien péchus qui envoient bien et d’autres où ça respire un peu plus. Bref un joyeux bordel comme on les aime !