Avec leur reggae rock et leurs chansons à message, ces quatre musiciens se fichent bien de la mode et des tendances. A la dictature de l’originalité, Dadja oppose une musique qui vient du coeur, sans calcul, ni arrière pensées, et dont la sincérité semble séduire un public toujours plus large. Groupe intermédiaire, entre amateur et professionnel, Dadja connaît les problèmes que rencontrent de nombreuses formations engagées dans une démarche d’autoproduction. A la veille de la sortie de leur second disque, Arnaud et Toto nous parlent de leurs petits malheurs… et de leurs grands bonheurs.

Quels étaient vos objectifs avec ce deuxième album ?

Arnaud : Tout d’abord, avoir un enregistrement qui soit le reflet de ce qu’est Dadja aujourd’hui. Notre précédent disque a déjà trois ans. Depuis, nous avons parcouru pas mal de chemin. Il y a eu des changements de musiciens, l’arrivée de Toto à la basse… Forcément, notre musique a évolué. On avance petit à petit vers une identité, quelque chose qui nous correspond. La base reste reggae mais nos influences rock s’imposent davantage… Nous essayons de sortir du schéma classique couplets/refrain, pour inventer des structures plus libres, plus évolutives…
Toto : Ce disque, on ne l’envisage pas comme un aboutissement, une fin en soi, mais plutôt comme un moyen… Enregistrer, ça te permet de prendre du recul sur ta musique, de faire le tri dans ton jeu, dans tes idées… Le studio, ça ne pardonne pas. Tu ne peux pas te cacher derrière les autres… Un groupe a besoin de ce genre de projet pour avancer. C’est une étape, une aventure collective, on vit ensemble pendant 3 semaines… Ca soude, ou ça dessoude…

Et votre prochain projet, c’est une tournée ?, afin d’accompagner la sortie de l’album ?

Arnaud : oui… maintenant il faut qu’on aille défendre ce disque en concert, sur des grosses scènes mais aussi dans les caf-conc… parce qu’il faut passer par là et qu’on aime ça tout simplement. Mais pour l’instant, il n’y a pas de véritable tournée de calée. La préparation du disque ne nous a pas vraiment laissé le temps de nous en occuper…
Toto : C’est la même chose pour la distribution du disque. Nous n’avons pas eu le temps de démarcher les distributeurs. La distrib’ va donc se limiter aux ventes sur les concerts, et pour le reste, on va s’en occuper nous-même, avec toutes les difficultés que cela engendre. C’est un métier de distribuer des disques. Et par expérience, l’autodistribution, cela prend beaucoup de temps et d’énergie, pour très peu de résultats…

L’autoproduction a aussi ses limites…

Toto : Nous gérons tout nous même, la recherche de dates, le financement et la production des disques, plus la distrib’, la promo, les questions administratives… Sans parler des difficultés que l’on rencontrent, comme beaucoup de groupes dans notre situation, pour faire entrer notre activité dans le cadre légal. Dadja, aujourd’hui c’est une équipe de six personnes à coordonner, si on intègre les deux techniciens qui nous accompagnent… Et même si on sait de mieux en mieux gérer tout ça, on ne peut pas se dédoubler. Au-delà de la question des compétences, il y a un moment où, de toute façon, se pose le problème de la disponibilité…
Arnaud : Surtout lorsque tu fais ça en amateur et que tu as un boulot à côté. Aujourd’hui, je mène une double vie avec Dadja. Personnellement, je ne pourrais pas tenir cinq ans à ce rythme… Cet hiver, pendant la préparation du disque, j’ai l’impression d’avoir fait de tout, sauf de la musique ! Les répétitions nous prennent déjà presque 10 heures par semaine… La musique, c’est une aventure mais c’est aussi beaucoup de contraintes. L’idéal serait de déléguer ce travail à un professionnel, un manageur ou un tourneur, mais nous ne dégageons pas encore assez d’argent pour intéresser ces structures. Ce qui manque aujourd’hui ce sont des assos d’aide au développement d’artistes.

Devenir professionnel vous permettrait de vous consacrer entièrement à votre projet ? Vous vous êtes déjà posés la question de la professionnalisation ?

Toto : c’est quelque chose dont on parle, mais nous n’avons jamais vraiment envisagé la question sérieusement. Je suis déjà intermittent. Je fais du baloche… Bien sûr, je préférais ne jouer qu’avec Dadja, mais je crois que nous en sommes encore loin. Il nous reste des étapes à franchir avant d’en arriver là.
Arnaud : Bien sûr qu’on y pense. C’est une étape qui s’inscrit dans le parcours « logique » d’un groupe. Mais nous sommes aussi conscients du risque que cela représente de faire le pas… Pour se faire une idée, notre activité génère économiquement de quoi faire vivre une personne sous le régime de l’intermittence. Pour que l’on soit tous intermittents, il faudrait multiplier l’activité du groupe par six ! Et puis est-ce qu’on pourra encore parler d’intermittence dans six mois ?

Poursuivrez-vous l’aventure même si vous ne devenez pas professionnels dans les années qui viennent ?

Arnaud : pour moi, oui… Dadja, c’est une priorité dans ma vie. J’ai envie de pousser l’aventure le plus loin possible, mais je n’ai pas d’objectif professionnel avec le groupe. Cela paraît tellement inaccessible… Si nous avions créé Dadja pour en vivre, il y a longtemps que nous aurions arrêté. Et puis, je crois que j’ai besoin d’avoir une activité à côté, qui me donne un équilibre, qui m’amène à écrire des chansons… J’ai besoin d’être dans l’urgence pour écrire… Si je ne faisais que ça, peut-être que je n’aurais plus rien à dire, que je me laisserais un peu aller.
Toto : Je continuerai Dadja même si le groupe ne devient jamais pro… Mais à une condition : que le projet avance ! Que l’on continue à évoluer, à sortir des disques, que l’on parte en tournées, à l’étranger… Juste pour le plaisir, même si ça nous rapporte rien ou pas grand chose…
Arnaud : le problème, c’est que même lorsque tu fais de la musique en amateur, tu as besoin d’argent. C’est indispensable pour la viabilité du groupe d’être payés lorsqu’on joue. C’est d’abord une reconnaissance de notre travail, mais surtout ça nous permet de rembourser nos frais de transports, d’acheter du matériel, de financer nos projets… Produire un disque, ça coûte cher. Et les coûts de production sont les mêmes que tu sois amateur ou professionnel. On enregistre dans des studios professionnels, on sort des disques, on se forme, on fait des résidences pour créer nos spectacles… C’est là que tu vois que la dichotomie professionnel/amateur ne veut plus dire grand chose aujourd’hui. Nous sommes la preuve que l’on peut être un groupe amateur et être « professionnel » dans son fonctionnement… En fait, nous sommes des amateurs « pros » !