Archi-cools, les frangins Boisnard, fondateurs du groupe lavallois Archimède, pondent des refrains super pop qui font fondre leur fan club comme l’industrie du disque, pourtant du genre méga blasée. Alors que les majors enregistrent des baisses de vente records, eux réalisent leurs rêves de gosse en signant chez Sony BMG. De la ferme des Ribaudières aux grands studios parisiens, les petits Lavallois font leurs premiers pas dans le monde très fermé des grosses écuries discographiques. Histoire d’une signature.
Au dernière étage d’un immeuble de la rue de la paix à Laval, Nicolas Boisnard reçoit. Plutôt heureux de cette visite qui le tire d’une toute récente oisiveté à laquelle il s’habitue à peine. Depuis qu’il a mis son travail entre parenthèses pour se consacrer à la réalisation du premier album d’Archimède, le chanteur du groupe lavallois l’avoue : entre les allers et retours au studio, les concerts et les répétitions, il trouve parfois que « ça ne va pas assez vite ». Pourtant de leurs tout premiers concerts fin 2004 à aujourd’hui, trois ans à peine se sont écoulés…
Nicolas : vu de l’extérieur, cette signature peut paraître précoce, mais cela fait quand même 10 ans qu’on est dans la musique, mon frère et moi. Depuis qu’on est adolescents, on joue dans des groupes. On a fait beaucoup de musique tous les deux, jusqu’au lycée. Puis après quelques années de pause, on a créé Lui & Moi, qui est ensuite devenu Archimède.
Comment es-tu venu à la musique ? Tu piquais les disques de ton frère ?
Non, pas du tout. Je suis vraiment parti du rap. Je n’écoutais que du hip hop. J’ai dû être l’un des premiers à acheter la première cassette de NTM, Authentik. Le rock, pour moi, c’était un truc de vieux. Puis quelques années après, il y a eu un revival rock. Au lycée tout le monde écoutait les Doors, Led Zep… Et puis au début des années 90, toute la scène anglo-saxonne est arrivée. Ce qu’on a appelé la brit pop, avec Blur, The Verve, Oasis… C’est vraiment ce qui me donne envie de faire de la musique. De passer de l’autre coté de la barrière.
On cite souvent les frères Gallagher à votre sujet. C’est une influence revendiquée ? Vous n’avez pas peur qu’on vous taxe de clones d’Oasis?
Oui, c’est vrai les deux frangins, l’attitude un peu branleur (rires)… Nous serions de mauvaise foi si on niait cette influence-là. Bien sûr qu’on les a singés au début, mais comme tout le monde, comme Liam Gallagher singeait Ian Brown des Stone Roses. Nous étions autant influencés par leur attitude, leur dégaine un peu provocante que par leur musique. Mais très vite, on choisit de chanter en français. Ecrire en anglais me faisait vite chier. Même si nos chansons paraissent légères, il y a quand même un travail sur le son, le sens… En anglais, c’est tellement facile d’écrire des paroles qui sonnent très bien et qui ne veulent rien dire. Plus tu écoutes des groupes anglais, plus tu chantes en anglais, et plus tu les singes, même lorsque tu essaies de t’en détacher. C’est dans la langue française qu’on a trouvé notre identité…
Dès vos débuts, vous avez affiché le volonté d’écrire des chansons pop, volontairement légères et accessibles…
J’ai toujours cette idée-là. J’ai moins d’exigence vis-à-vis d’une chanson, que vis-à-vis d’un roman par exemple. Je demande à la musique de me distraire. C’est ma vision, je conçois plutôt la musique comme un truc fun. C’est aussi ça qui m’a plu dans la scène rock british des années 90. Ces groupes écrivaient des mélodies simples et imparables, sans se prendre la tête. Avec Archimède, nous ne nous adressons pas à un public de spécialistes… Aujourd’hui, il y a une course à l’originalité. Il faut absolument faire du neuf, se distinguer à tout prix. J’entends des projets alambiqués, super originaux et intéressants, mais que je n’ai absolument pas envie de réécouter ensuite. Nous ne se sommes pas du tout dans ce schéma-là : on fait un truc grand public, accessible, bref, la musique qu’on écoute nous-mêmes.
Mais pour beaucoup de gens grand public rime avec merdique…
On se fera rentrer dans le lard, on s’y attend. On ne répond sans doute pas aux exigences des spécialistes. Mais je crois qu’on peut faire des chansons très simples et tout de même valables du point de vue du texte, de la construction… Dutronc par exemple, c’est hyper grand public et ça n’est pas un truc intello. Accessible, ça ne veut pas dire neuneu et craignos. Ca ne signifie pas qu’il n’y a pas d’exigences. Mais en tout cas, on ne peut pas dire qu’on a fait le choix de faire une musique simple. C’est sorti comme ça. On balance une mélodie, c’est efficace, c’est cool, donc on la garde. On ne se dit pas avant de composer : « bon, on va faire un truc super simple, tubesque, que les gens vont pouvoir fredonner ». On n’a jamais cherché à faire des tubes. En entendant notre chanson « Fear Facteur », les mecs vont peut-être se dire « oh la la, ils ont voulu faire LE tube. Les choeurs, le refrain qui part au bout de 30 secondes… ». Mais ça n’est pas le cas, c’est juste qu’on compose spontanément !
On sent que tu regardes tout ce qui vous arrive avec une certaine lucidité, un détachement un peu amusé…
Oui. Tout ça n’est pas si important. La musique, j’adorerais en faire ma vie. Je ferais tout mon possible pour y arriver, mais j’ai toujours conscience que, si ça se trouve, dans deux ans voilà, on va remballer les bagages. Aujourd’hui réussir, vivre de sa musique, c’est hyper dur. Si je me mets tout entier dans ce disque et qu’il ne se vend pas, l’aventure risque de virer au tragique (rires). Donc il faut conserver une distance avec tout ça, garder la tête froide et remiser les rêves de star au placard…
Vous êtes accompagnés depuis 2004 par des musiciens expérimentés, qui, pour certains, font partie de l’équipe du département musiques actuelles du conservatoire. Comment les avez-vous rencontrés ? De quelle manière fonctionnez-vous pour composer ?
Nous travaillons de la même façon depuis le début : pour toutes les chansons, c’est mon frangin et moi qui écrivons la structure, les mélodies et les textes. Nous ne présentons un morceau aux autres que lorsqu’il est terminé. Ensuite, on l’orchestre en groupe. Mais, cela reste d’abord notre projet, nos chansons. Mon frangin et moi sommes à l’origine d’Archimède. Tess, Tof et Cord, qui remplace aujourd’hui Claude à la basse, sont des mecs géniaux et apportent leur talent au service de nos chansons. Lorsqu’on s’est pointé aux Ribaudières pour chercher des musiciens, on n’imaginait pas une seule seconde qu’ils se proposeraient pour nous accompagner. Au départ, on devait juste faire un essai pour une date. Et ça a tellement bien fonctionné qu’on a décidé de continuer ensemble. C’est à partir de là et surtout du tremplin Ouest France, en 2006, que les choses vraiment sérieuses ont démarrées.
C’est à ce moment que des majors commencent à s’intéresser à vous ?
Lors de ce fameux concours, on a rencontré un type de chez Sony. Il a flashé sur notre chanson « Fear Facteur ». Il voulait nous produire ! Puis quelques mois après, toujours suite à ce concours, on rencontre Axel Bauer lors d’un concert, et il nous propose, après avoir écouté la maquette, de nous signer en édition et de nous emmener sur son label. On hallucinait complètement ! Un peu plus tard, c’est notre manageur Laurent Cléry, à qui Tess avait envoyé notre démo (ndlr : dans un autre temps, les deux lascars jouaient ensemble dans Why Ted ?, groupe lavallois « mythique ») qui s’intéresse au projet. Il vient nous voir à Laval, ça lui plaît et il propose de nous signer en édition assez rapidement. C’était marrant de voir que notre musique pouvait séduire à la fois des labels très grand public comme Vogue chez Sony, et des gens comme Laurent Cléry, qui était séduit par le coté rock seventies du groupe sur scène, l’attitude un peu arrogante… Ensuite, à partir du jour où nous signons avec Laurent, à peu près une fois par mois, il va nous faire jouer à Paris, afin que des professionnels puissent nous voir sur scène.
Vous devez être le seul groupe lavallois à avoir joué plus à Paris qu’à Laval ?
Oui (rires). On a du faire une quinzaine de dates à Paris : La Flèche d’Or, le Batofar, l’Espace Jemmapes, le Réservoir… Dont aucune payée. Ca été la débrouille et pas mal de sacrifices. A partir de là, il se passe un an et demi avant qu’on signe avec Jive/Epic, un label de Sony. Un an et demi pendant lequel on nous a fait beaucoup de promesses. Des gens se sont intéressés au groupe, puis s’en sont désintéressés, puis sont revenus… Tu sens qu’avec la crise du disque, les labels sont très prudents, hésitent beaucoup à signer des artistes en développement. Le climat est plutôt morose. Pour en revenir à notre histoire, après un an et demi, il restait vraiment deux maisons de disques intéressées : Jive/Epic et Wagram. Mais on a choisi finalement Jive/Epic.
Pourquoi avoir choisi une major plutôt qu’un label indépendant comme Wagram, qui vous garantissait peut-être une plus grande liberté artistique ?
On a choisi Jive, non pas parce que c’est une major et qu’elle dispose de plus de moyens, mais parce qu’on a créé des liens forts avec Vincent Blaviel, le DA (ndlr : directeur artistique) du label. Il nous suit depuis plus d’un an. Humainement, cela se passe hyper bien. Il vient d’une maison de disque indépendante. On a totalement confiance en lui. C’est un choix avant tout humain.
Vous travaillez actuellement sur votre premier album. La date de sa sortie est fixée ?
L’album était initialement prévu pour septembre, mais aujourd’hui ça paraît un peu court. Ce qui est sur c’est qu’un titre sortira en septembre, enfin si les radios en veulent (rires). A priori, l’album sortira soit en fin d’année, soit en tout début d’année prochaine. Pour moi, le plus tôt sera le mieux. Mais il y a vraiment un timing à respecter si l’on veut que la sortie se passe bien. Il y a des choix stratégiques à faire. On nous fait comprendre que tout dans le calendrier prévisionnel est modifiable, selon la situation… Mais bon, à partir du moment où ils nous fichent la paix sur les chansons, peu importe.
Est-ce que tu sais à quoi ressemblera l’album ?
Il va être pop-rock. Enfin pop ET rock. Je n’aime pas cette étiquette : « pop-rock ». Ca fait un peu cul-cul… Nos titres sont soit très pop comme « L’été revient » ou « Fear Facteur », soit rock, mais pas pop-rock. Mais c’est difficile aujourd’hui d’en parler parce qu’on est en plein dedans. En ce moment, nous sommes en pré-production, avec Philippe Paradis, un réalisateur qui a produit notamment les derniers disques de Zazie, Thiéphaine ou Christophe. Avec lui, on est vraiment dans la recherche d’un son, d’un grain… Grosso modo, dans le disque, il faut qu’il y ait moitié de guitares acoustiques, moitié de guitares électriques, beaucoup de tambourin, beaucoup de sons vintage… On ne fera pas un disque de variété. On fera un album de rock. Grand public mais résolument rock’n’roll.
Vous êtes encore un très jeune groupe, sans véritable expérience de studio, ni de tournée. Cette signature sur une major, avec toutes les attentes, la débauche de moyens qu’elle implique, ne vous effraie pas un peu ?
On manque clairement d’expérience. Et nous avons bien conscience de tous les progrès qui nous restent à faire. Il faut qu’on galope maintenant. À nous de trouver l’équilibre entre le truc pro et la fraîcheur d’un groupe signé un peu rapidement au regard de son expérience. Mais sur cette question, Vincent, notre DA, est super rassurant. Il allait voir Bénabar dans des petits troquets, il y a une dizaine d’années. Et c’est pareil, tout le monde débute. Mais bon, on se met pas trop la pression.
On a l’impression, lorsque tu en parles, que le développement d’Archimède ne pouvait passer que par le mécanisme « éditeur-manageur-maison de disques-etc. ». Vous n’avez jamais envisagé la voie de l’autoproduction ?
En fait, nous n’avons jamais vraiment démarché les maisons de disques, envoyé des maquettes, etc. Suite au concours Ouest-France, des gens ont soudain commencé à s’intéresser à nous, puis d’autres… On s’est retrouvé dans ce mécanisme un peu malgré nous, même si très franchement, ça nous convient très bien. Nous avons mis du temps à pêcher le gros poisson, mais aujourd’hui ce poisson va nous nourrir dans notre parcours, nous permettre de rencontrer des nouvelles personnes et de nous entourer de gens compétents… Je ne pense pas qu’il faille opposer systématiquement le parcours du combattant de l’autoproduction à celui des groupes signés sur un label ou une major. Certains groupes se drapent dans une fausse intégrité du genre : « on a choisi l’autoprod parce qu’on veut tout maîtriser ». Mais en réalité, ils n’ont souvent pas d’autre choix que l’autoproduction. Tété, Bénabar ou Ludéal… qui sont aussi signés chez Jive/Epic, ce ne sont pas des mecs qui baissent leurs frocs. S’ils étaient en autoprod ou sur un label indé, je ne pense pas que leur musique sonnerait différemment.
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