On a les légendes qu’on s’invente. Dans cette ville « calme comme la Suisse », désespérément paisible, qu’est Laval, il nous fallait de quoi alimenter nos rêves. Il nous fallait des mythes, nos héros à nous.
Passé de looser magnifique (avec ces « fameux » Why Ted ? qui, comme bien d’autres groupes des années 80, « faillirent » effleurer le succès), dégaine punk parfaite et charisme à revendre, Bob avait tout ce qu’il fallait pour incarner ce mythe et étancher notre besoin de légende. Croiser ce grand mec, élégant et fin, tout de noir vêtu, la crête fière, un matin brumeux rue Crossardière, ou apercevoir sa haute silhouette, accoudée dans l’ombre du bar des Artistes, en a fasciné plus d’un. Bob est une rock star, notre rock star.

D’ailleurs qu’a-t-il fait d’autre, depuis ce bienheureux jour où il a découvert le rock’n’roll (avec un 45 tours des Ramones à tous les coups !). Hein ?! Qu’a-t-il fait ? Mis à part mêler sa vie à cette putain de musique qui l’a tatoué à jamais ? Punk un jour, punk toujours !

LaValstar

Que n’a-t-on pas dit au sujet de Bob N’Gadi ? A propos de ses frasques, mais surtout de son talent, de sa voix en or, de son jeu de guitare impeccable… Réalité ou paroles de nostalgiques ?
Le retour du « boss » aux affaires, au sein des très rock’n’roll k.driver (confère notre article à ce sujet), fût l’occasion de vérifier ces dires. Notre « man in black » justifiait sa réputation. Mais, plus encore, c’est avec ces récents concerts en solo que le mec Bob montrait toute l’étendue de sa classe.
Là, tout nu, seul avec sa guitare douze cordes, il ne pouvait pas tricher. On allait voir ce qu’elle avait dans les tripes la « rock star » ! Et on a vu, ce samedi-là (le 14 décembre 2007 à Centre Hall’Vin), dans cet improbable lieu de concert paumé en pleine zone commerciale lavalloise… On a vu aussi un compositeur, dont certaines chansons (comme « Cold Box » ou l’excellente « Tu n’es qu’un con ») ne souffrent pas du voisinage des classiques qu’il intègre dans son répertoire (Bob Dylan, Waits ou Cohen… ). On a aussi vu un chanteur, un vrai, d’une puissance et d’une justesse irréprochables, capable de passer au sein d’un même morceau d’une voix très aiguë à des tonalités graves proches d’un Tom Waits. Mais, ce qui touche surtout, c’est l’intensité, la force qui passent dans sa voix. Cette façon bien à lui, et reconnaissable entre mille, qu’il a d’interpréter un morceau, de le faire vivre, vibrer dans l’instant. On sent l’ex-leader des Why Ted ? toujours sur le fil, se livrant sans réserve. Mais, dans le même temps, il se dégage de sa musique une telle aisance, une telle classe… Une simplicité qui touche à l’évidence. De cette élégance naturelle qui s’impose sans discussion. Au fil du concert, me vient la pensée, confuse, qu’on assiste-là à un moment exceptionnel. Que ce mec joue dans la cour des grands. Qu’il n’a rien à faire là dans ce rade… Qu’il mérite autre chose qu’écumer les bistrots lavallois. A lui tout seul, il nous tient en haleine, fait régner dans l’assistance une sorte de silence, d’attention tendue.
Le public est venu nombreux. L’homme rassemble. Il y a là les fidèles, grognards indécrottables de la vieille garde du rock lavallois, fans de toujours ou anciens musiciens (Bertrus, guitariste des Euphoric, fait de l’air guitar dans son coin…), mais aussi des « jeunes », trentenaires ou presque, qui vouent au personnage un respect amusé… Jeunots ou vieux, tous ont l’oeil qui brille. Et lorsque Bob termine son set, personne ne veut le lâcher, rappelle et rappelle encore. Prolonger ce moment. Rester là encore une heure ou deux, à entendre Mister Big Bob…

Stairway to Hilard ?

Alors, lorsqu’il est programmé au Mondo Bizarro en première partie de Bob et Lisa Bellrays, le 11 février, j’y coure sans hésitation. D’entrée, ceux qui étaient curieux de voir comment se comporterait notre rock star loin de ses bases lavalloises en furent pour leurs frais. Car dans l’assistance, on comptait ce soir-là bien plus de… mayennais que de rennais ! Une bonne cinquantaine de lavallois avaient fait le déplacement. Décidément le fan club est fidèle. On aurait pu remplir un car ! Résultat : on avait quasi l’impression d’être aux Bar des artistes (d’autant que Serge, l’ancien patron du regretté bastion rock’n’roll, était de la partie). Ce serait donc un deuxième concert à la maison ou presque. Tout aussi impeccable que le premier, mais peut être moins chargé en intensité. Reste cette classe, ce silence qui s’installe, et toujours cette impression d’assister à un moment à part. Dans sa voix résonne ce qu’il est. Bob ne triche pas, et tout ce qu’il a vécu de plans loose, de débauche, de joies et de malheurs, de grosses marrades et d’errances, vient gonfler sa musique, lui donne une épaisseur, une vérité.
Peut-être seulement gagnerait-il à varier ses instruments, à lâcher sa douze cordes, pour une six cordes ou même une guitare électrique (une demi-caisse, ça aurait de la gueule). Sa musique gagnerait en richesse, en nuances. Et puis, ça ferait plus rock’n’roll !

Que ceux qui n’ont pas pu assister à ces concerts se consolent, Bob jouera à Laval le 29 février (à l’Hope & Bar) et le 22 mars (au Ty Koz). Espérons qu’il ne se contentera pas d’une tournée internationale des bars lavallois. Car il mérite mieux que son statut de gloire locale.
Merdre ! Maintenant, il serait temps qu’il devienne une rock star. Pour de vrai !