J’étais las de devoir chroniquer les abondantes productions des énervés du Rockin’Laval, des mélancoliques en chemises canadiennes, des geeks de l’electro-cardiogramme plat. Et puis le Marabout Orkestra est arrivé. C’est funk, c’est afro, c’est jazz, c’est chaud, ça breake, et ça change.
Avec ce 4 titres, le quintet lavallois fait la preuve que le steel-drum et le vibraphone (joués par Jean Duval, l’un des leaders du steel band Les Allumés du Bidon) sont des instruments dans le vent. Le Marabout est un avatar des Fils Canouche constitué autour du saxophoniste du groupe, Johann Guihard, qui a amené avec lui le bassiste Benoît Piquet et leur ancien guitariste, Mathieu Quelen. Complétant l’équipe, Jérémy Beucher, également membre des Allumés, tient la batterie.
À l’instar des Canouche, le Marabout Orkestra fait le pari du voyage instrumental accessible. Accessible parce que les thèmes sont limpides, les cinq musiciens se fichent des écoles : ici pas vraiment de tube funky, ni de structure jazzistique alambiquée. Cela ennuiera les puristes, mais séduira tous les autres. La batterie est lourde, la guitare discrète ne s’embarrasse pas de gammes modales. Sur ce fond efficace et carré, le Marabout souffle le chaud et le froid, ou plutôt l’inverse : sur un accord, le vibra s’évade, voguant de l’Orient aux Caraïbes, avant de faire monter la pression et de laisser place à un sax explosif. Et quand Johann Guihard se lâche dans des chorus fluides et enfiévrés, la sorcellerie fonctionne à plein, la transe n’est pas loin. À l’écoute de « Pope’s drunk », de ses effets psychédéliques et de sa basse funky, ressurgit fugacement le masque fou de Head Hunters, du maestro Herbie Hancock.