Game over. Après 11 ans et 500 concerts à travers la France et l’Europe, KIEMSA jettera l’éponge fin 2011. Le temps d’une ultime tournée où, comme depuis ses débuts, la formation originaire de Lassay n’aura qu’un seul objectif : mettre le public en transe. Explications et bilan avec Martin, leader et co-fondateur du groupe.

Qu’est-ce qui, après 11 années, vous fait arrêter l’aventure Kiemsa ?

Il y a pas mal de raisons qui expliquent notre séparation. La première, et la plus importante, c’est qu’on n’a plus l’envie de composer. On adore toujours jouer sur scène, mais on s’est toujours dit qu’on ne se forcerait pas si un jour on n’avait plus la flamme. C’est comme lorsque tu es mal dans ton boulot, un jour il faut avoir la force de changer de voie. C’est ce qu’on fait. Le départ de plusieurs musiciens du groupe, dont Romain qui était un membre originel de Kiemsa, a aussi pesé. Tout ça nous a fait réfléchir. On s’est rendu compte que depuis onze ans, d’une certaine manière, rien n’avait changé : on ne vit toujours pas à 100% de notre musique aujourd’hui.

Vous n’êtes jamais parvenus à vous professionnaliser ?

Jamais vraiment, malgré les 50 à 60 dates que nous faisons par an… Nous avons tous réussi un jour à être intermittent, mais pour un an, pas plus. Si tu ne joues que dans Kiemsa, tu ne vis pas. Moi, je fais le DJ et je tourne avec d’autres groupes. D’autres ont un taff à côté, mais ça n’est jamais évident, il faut avoir ses week-ends libres et un patron compréhensif. Ce genre de vie a ses limites. Depuis nos débuts, on a toujours été sur une pente ascendante. Plus nous avancions, plus nous avions accès à des grosses scènes. Nos deux premiers albums en 2003 et 2006 ont été des paliers. Mais le dernier, Délices sorti en 2009, n’a pas connu le succès que l’on espérait. On pensait passer à la marche supérieure mais ça n’a pas fonctionné…

Ce disque, comme les deux précédents, était totalement autoproduit…

On a toujours financé l’enregistrement de nos albums nous-mêmes. Comme on s’est toujours directement occupés de notre promo, de notre merchandising, etc. Faute de moyens pour faire de la promo autrement, on s’est servi d’internet à fond. On s’est tous investis énormément. Plusieurs ont arrêté leurs études ou leur travail pour en trouver un moins prenant ou mieux situé géographiquement. On a tout fait pour que ça marche, la passion a parlé. Personne n’a monté de « side project » en 11 ans. Ça prouve l’importance qu’a eue Kiemsa pour nous. Depuis nos débuts, aucune maison de disque n’a investi un euro sur notre projet. Forcément, au bout d’un moment, ça use de démarcher les labels pour rien. Comme les salles du réseau SMAC qui nous ont peu programmés ou les grands festivals, genre Printemps de Bourges, Eurockéennes… où nous n’avons jamais joué.

Malgré tout vous comptabilisez plus de 25 000 disques vendus et près de 500 dates au compteur…

Tout s’est accéléré lorsqu’on a commencé à bosser avec notre tourneur L’Igloo. Mais dès nos débuts, nous avons eu des gens derrière nous pour la tournée et un succès public qui n’a fait que grandir. C’est le public qui nous a portés jusqu’où nous en sommes aujourd’hui. C’est la meilleure des reconnaissances. Et ce public nous reste fidèle, il suffit de voir les réactions qu’a provoquée l’annonce de notre séparation… Les bénévoles de notre street-team ont aussi été géniaux. Pour la sortie de Délices, on a fait de très gros coups… Sans doute que lorsqu’on s’est lancés, c’était beaucoup plus simple de se faire remarquer sur le net. Aujourd’hui en une après-midi dans ta chambre, avec un clavier midi, une guitare et un PC, tu sors un trois titres qui fait le buzz le soir. Aujourd’hui tout le monde a quelque chose à dire et le dit. S’ajoute à cela le fait qu’il y a encore moins d’argent qu’avant et que, pour la promo, il ne reste en France qu’un seul magazine rock… On me demande souvent en interview ce que je dirais à un groupe qui se lance, je réponds toujours : « bonne chance ! »

Avec le recul, comment expliquez-vous votre évolution musicale : Délices est bien loin du ska festif de vos débuts ?

Il y a eu pas mal de mouvement dans le groupe, et chaque nouveau musicien a apporté un esprit plus rock, plus dur dans nos compos. Tout s’est construit naturellement, au gré de nos envies. On n’a jamais fait de concessions. L’amélioration de notre niveau technique a aussi sans doute joué. L’air de rien, mixer plusieurs genres musicaux comme on le fait sur Délices, cela réclame une certaine maîtrise, que l’on n’avait pas forcément à nos débuts. Ce qui nous orientait vers un style plus abordable techniquement. Et puis nous étions tellement contents d’avoir des cuivres qu’on les utilisait tout le temps (rires) !

Vous êtes originaires de Lassay-les-Châteaux, mais vous êtes basés à Nantes depuis 2007. Quel lien conservez-vous avec la Mayenne ?

Nous habitons effectivement quasiment tous à Nantes. Seul Steven, notre tromboniste, habite toujours en Mayenne. Il vient d’ailleurs de monter un nouveau groupe à Mayenne, Weston, dans lequel il joue de la batterie. Depuis nos débuts, on a été soutenus par certaines structures comme les 3 Eléphants, lorsque le festival était encore basé à Lassay. Mais à vrai dire, on ne s’est jamais sentis les bienvenus à Laval. Quand on a commencé, il y avait une espèce de gotha rock lavallois qui se la racontait alors que la plupart de ces groupes faisait trois concerts par an. Lorsqu’on est arrivés avec notre enthousiasme débordant, on est passés pour des campagnards un peu trop excités. Le problème, c’est qu’on a eu très vite un succès public et ça n’a fait qu’empirer les choses. Mais à ceux qui rigolaient à l’époque, j’ai envie de répondre qu’on doit être aujourd’hui le groupe mayennais qui a fait le plus de concerts dans sa carrière…

On ne peut pas revenir sur votre carrière sans parler de l’Allemagne…

Nous avons joué dans plus de six pays différents, mais l’Allemagne reste notre deuxième famille. On a débarqué pour la première fois là-bas en 2008 : on a joué dans un café-concert à Cologne où il y avait 30 personnes. Il y a 15 jours, on jouait devant 5000 personnes. Notre évolution a été très rapide là-bas. Dans les pays de l’Est, la culture des musiciens n’est pas au mélange des genres. Quand tu fais du punk, tu fais du punk. Les Allemands sont friands de groupes comme nous : on n’a aucune limite musicalement parlant et ça leur plaît.

Quel bilan tires-tu des ces 11 années ? Des regrets ?

Si on devait lister les choses mortelles que l’on a faites, il faudrait un annuaire. Alors que les choses que l’on n’a pas faites, sans que ce soit vraiment des regrets, tiendraient sur un post-it. À bien y réfléchir, si c’était à refaire, je referais exactement la même chose. Parce qu’on n’a jamais été bridés par qui ou quoi que ce soit. Au final, on n’a jamais joué dans un festival majeur et on n’a jamais pris l’avion pour aller faire un concert, comme par exemple au Québec où on aurait bien aimé jouer, mais bon…

Parlons actualité, comment s’organise votre tournée d’adieu ?

Notre séparation est dans l’air depuis longtemps, plein de gens nous demandaient un nouvel album et on était assez gênés de ne pas pouvoir répondre avec précision « oui » ou « non ». On s’est mis d’accord sur la façon de terminer cette aventure, et on a la chance de finir bien, tous copains. Contrairement à beaucoup de groupes dont la séparation est souvent brutale, on a décidé de saisir l’opportunité de terminer en beauté. Cela évite la frustration, pour nous et pour le public. On a retrouvé l’excitation de nos débuts, notre pêche, notre innocence. Cette dernière tournée nous fait vraiment vibrer.

Vos derniers concerts au Ferrailleur à Nantes les 16 et 17 décembre seront filmés. Vous attendiez d’être morts pour sortir un « live » ?

On s’est dit que ça ne servait à rien d’attendre que quelqu’un nous finance pour enfin réaliser notre « live ». On a donc lancé une souscription auprès du public et cela nous permettra de sortir un double cd/dvd « live » avant l’été 2012. Plus ont en aura mieux ce sera, si on en a 1000, ce sera génial. Ça voudra dire que 1000 personnes en France veulent le « livre d’or » de Kiemsa. Ce double cd/dvd comportera un cd « live » plus un cd de remix, un dvd « live » et ses bonus ainsi qu’un second dvd avec tous nos clips, leur making off, des petits reportages et un documentaire sur notre dernière tournée de décembre, plus plein de cadeaux qui seront envoyés avec le coffret. Cela permettra de garder une trace du groupe en « live ». Finalement, Kiemsa va mourir comme il a vécu, sur scène !