23 novembre 2007. Un mois est passé depuis ce jour fatidique où le Bar des artistes, lieu mythique du rock local (je resitue pour les non-lavallois, qui de toute façon s’en fichent éperdument), a tiré définitivement le rideau cradingue (il devait avoir l’âge du bar), qui les jours de fermeture aveuglait sa devanture.

 

Qu’écrire de plus que ce qui a déjà été écrit sur ce bar et sa fin tragique, après 21 années d’existence ? Que dire de plus que des banalités ? Du genre « ce sont toujours les meilleurs qui s’en vont les premiers » ou «quand même, c’est con de finir comme ça ». Ouais, le Bar des artistes est mort comme il a vécu, à l’arrache, à la punk. Et son enterrement fut joyeux, autant qu’il pouvait l’être. Ce dimanche soir-là, il y avait près de 200 personnes dans le navire, qui n’arrivaient pas à décrocher du zinc, qui ne se résignaient pas à lâcher le bastinguage, comme si elles voulaient profiter jusqu’à la dernière minute de cette ultime soirée. Certains décollaient des affiches, des trucs collés au mur, histoire de garder un souvenir. D’autres se contentaient de vider méthodiquement les fûts et les dernières bouteilles du bar. Ah ça, ce fût une belle liquidation ! Totale s’il vous plaît. Tout y est passé, du Pastille Menthe au Cointreau… A minuit, y’avait plus une goutte d’alcool à siffler. Cédric de Montgomery, radouL ou Guigi de k.driver passsaient des disques. Des gens dansaient comme des malades sur la scène. Cette même scène qu’ont foulée des centaines et des centaines de groupes, des plus mythiques aux plus mytheux… Dans les chiottes, je détaillais avidement une dernière fois les graffitis recouvrant les murs, dans l’espoir absurde de les photographier à jamais dans ma mémoire… Quelque chose d’étrange flottait dans l’air. Une sorte de joie desespérée. Une tristesse rentrée. Et puis cette sensation d’être hors du temps, décalé. Peut était-ce parce qu’on était dimanche. Peut être, mais en y repensant, j’ai souvent ressenti cette sensation aux Artistes, les soirs de concerts, quand la pièce tournait autour de moi, et que toutes les époques se confondaient. Sans doute étaient-ce les stigmates du passé que portaient ces murs effrités, ce mobilier bancal, ces graffitis en couche géologiques, qui me plongeaient dans cet état. Les Artistes, pour moi, c’était un lieu de mémoire vive, qui gardait gravées sur ses murs et imprégnées dans l’odeur de son affeux rideau toutes ces putains d’années passées, rock’n’roll du premier jour au dernier soir.

 

Mais le plus dur était à venir. Le plus dur, c’est après, c’est maintenant. Quand on passe devant la vitrine et qu’on voit cette putain d’affiche jaune fluo : « à vendre ». Ca fout un méchant coup et ça doit ficher une mandale encore plus sérieuse à ceux qui venaient dans ce rade depuis 20 lustres. On les imagine, en animal triste refusant d’accepter la réalité, venant buter inlassablement contre la porte définitivement hermétique du bar. La fermeture des Artistes a fait un sacré paquet d’orphelins. Qui ont perdu en Serge une sorte de père (Noël) rock’n’roll et bienveillant, et avec le Bar des Artistes leur seconde maison. Le meilleur bar lavallois du monde n’est plus.

 

J’en resterais donc là. Puisque tout a été déjà dit, en mieux et en photos, par Raphaël Juldé sur son blog

 

Salut à vous les Artistes !