Éphémère à ses prémisses, L’AUTRE RADIO fêtera cet hiver ses cinq ans. Locale, nomade et musicale, la station de Château-Gontier, forte de ses 70 bénévoles, est devenue un acteur incontournable du paysage culturel en Mayenne. Radioscopie.
10h30 passées d’une poignée de minutes. Les moissonneuses et les remorques de round ballers se fichent pas mal que j’ai ou non rendez-vous. Mais il fait beau, il fait chaud et L’Autre radio, comme ses consoeurs, vit à l’heure d’été; je doute qu’on me tienne vraiment rigueur de ce retard. De fait, lorsque j’arrive enfin sur les hauteurs de Château-Gontier, c’est l’heure de la pause café devant le studio. Le thermos et les tasses sont posés sur le rebord de la fenêtre. Ceux qui fument fument. Je suis accueilli avec le sourire.
Il y a là Delphine, la coordinatrice de la station, Lucie, animatrice, dont c’est aujourd’hui le dernier jour – « Un petit pincement au cœur ? », je demande. « Ça va, je m’y étais préparée », m’avoue-t-elle – et Christophe, président de l’asso porteuse de L’Autre radio. La quarantaine, un anneau d’argent à l’oreille gauche, une barbe taillée poivre et sel, Christophe a le sourire franc de celui qui est à j-1 de ses vacances et peut savourer un bilan plutôt flatteur. En cinq années d’existence, la petite radio associative a su trouver sa place et justifier son utilité. « Durant quatre ans, nous avons été une radio éphémère liée à des événements comme le festival Le Foirail ou le millénaire de Château-Gontier, raconte Christophe. Et puis, en 2008, nous avons eu l’opportunité d’émettre en continu. Alors on s’est lancé. »
Un brin d’histoire
En 1977 voient le jour les premières radios pirates françaises. Entre saisies et brouillages, la guérilla avec les forces de l’ordre dure jusqu’à l’arrivée de la Gauche au pouvoir, en 1981. De pirates, les radios de la bande FM deviennent libres. Débute alors le joyeux règne du tout et n’importe quoi. Quel pied pour ceux qui en étaient – dont votre serviteur – de participer à ce déferlement bordélique! Diffuser toute la journée la musique qu’on aime! Parler comme on a envie de parler, dire ce qu’on a envie de dire! Malheureusement, dès 1984, la publicité est autorisée pour les radios à caractère commercial et le bel enthousiasme d’origine reflue au profit des playlists indigentes et des effets Dj sur la voix des animateurs…
Fin de l’histoire? Pas vraiment. Depuis, les radios associatives se sont multipliées un peu partout sur le territoire, perpétuant l’esprit des radios libres. Rien que dans la région, une vingtaine sont affiliées à la Frap (fédération des radios associatives des Pays de la Loire). « La Frap nous permet de mutualiser nos ressources, de nous former aux nouvelles normes de diffusion numérique, ce genre de choses », m’explique Delphine. « Et d’être solidaires face aux institutions », complète Christophe. Quand on sait que plus de 75% du budget de fonctionnement de la station proviennent des collectivités publiques, régionales et locales, se fédérer fait sens, effectivement.
Offrir un accès libre et alternatif à l’information et à la culture a toujours été notre objectif.
Le statut de radio associative implique quatre heures d’émissions d’intérêt local quotidiennes. « Nous sommes largement dans les clous, souligne Christophe. Offrir un accès libre et alternatif à l’information et à la culture, relayer la dynamique locale, écouter et promouvoir la différence, a toujours été notre objectif. » D’où le micro tendu à ceux qui ont rarement l’occasion de prendre la parole (les résidents de l’IME de Château-Gontier, de la maison d’arrêt de Laval…). Mais aussi les partenariats que la radio multiplie avec les organisateurs de concerts du département. Du Foin de la rue aux 3 Éléphants, difficile d’arpenter les travées d’un festival sans croiser les micros de L’Autre radio. « On offre une meilleure visibilité à l’événement, explique Lucie, en échange de quoi on peut faire gagner des places à nos auditeurs, proposer des émissions en direct et des interviews d’artistes. »
D’Aimable à Zappa
Et comme nous parlons musique, nous rejoint Joël, le programmateur de la station. Nouvelle tournée de café et nous entrons dans le vif du sujet. La grande richesse de L’Autre radio, ce sont ses 70 bénévoles. Pop, rock, metal, techno, jazz, hip hop… en une quarantaine d’émissions, ces derniers couvrent un large spectre musical. La grille compte même une émission de musette et une histoire de Franck Zappa en 50 épisodes, c’est dire!
Le reste de la programmation est de la responsabilité de Joël. Bénévole de la première heure, devenu aujourd’hui l’un des 4 salariés de l’asso, il est parvenu à un équilibre subtil, qui inclut jusqu’à la musique classique, dans un esprit proche de celui d’une radio comme FIP, et ce sans jamais matraquer aucun titre. Ni d’ailleurs accorder de traitement de faveur aux groupes locaux. « Je fonctionne avec eux comme avec les autres, au coup de cœur », assure-t-il.
Pas question non plus de faire l’impasse sur l’info. RFI, dont L’Autre radio est partenaire, se charge du national et de l’international. Quant à l’info locale, qu’elle soit politique, environnementale, sportive ou sociale, elle est traitée dans la mesure où elle entre en résonance avec ce qui se passe dans l’hexagone ou dans le monde.
Un peu après midi, je quitte l’équipe en espérant avec eux que l’ensemble du département profite très vite du bel esprit qui l’anime. L’asso escompte bientôt se voir attribuer deux nouvelles fréquences, à Laval et à Mayenne. Même sans papier ni ruban dorés, cela serait un cadeau d’anniversaire hautement apprécié!
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