Beau programme pour cette émission live captée à L’Avant-scène à Laval. Au menu : le cocktail funk soul rock explosif de The Haystacks, les chansons pop électro déviantes d’Edda Bel Abysse et la transe krautrock hypnotique de Volatile.  

 

Sincérité, générosité et fraternité. Telle pourrait être la devise de The Haystacks, dont le premier ep 4 titres, enregistré par Thomas Ricou, paraissait précisément ce 1 décembre. Sincérité car ces quatre-là ne trichent pas. Leur musique leur ressemble, jouée live, sans trucage, ni effet de mode. « Chacune de nos chansons et née d’une émotion, et lorsqu’on les joue on essaie de ressentir et de transmettre cette émotion première », raconte Joël Thiry, chanteur et guitariste du quartet. Et quoi de mieux que les musiques venues des tripes et de l’âme pour toucher au cœur ? Cocottes funky, sonorités vintage, paire basse-batterie solide comme le roc… Leurs chansons célèbrent avec ferveur le mariage (heureux) de l’énergie brute du rock et des rondeurs chaleureuses de la soul et du rhythm’n’blues. 

Générosité ensuite, car ici on ne compte pas, Monsieur ! On joue à fond les ballons, sans calcul. À l’instar du chanteur, trublion habité dont la voix puissante et vibrante parfois se déchire, laissant entrevoir des fêlures, dans les profondeurs desquelles puisent sans doute les chansons du quatuor. 

Fraternité enfin : rien qu’à les entendre et les voir, on sent les quatre musiciens unis comme les doigts de la main. « Depuis la création du groupe en 2017, on a appris à se connaître, à se faire confiance, à se confier lorsqu’on traversait une épreuve difficile…. Ce qui a nous a amené à des relations extrêmement intimes », témoigne Lionel, à la guitare dans The Haystacks. « D’ailleurs, avant chaque concert, on fait une petite séance de relaxation, et on finit toujours par se prendre dans les bras et se dire qu’on est un ! »

Arabesques vocales 

Une, Edda Bel Abysse, alias Lila Gion, l’est vraiment. Après avoir pendant plusieurs années sillonné les scènes en bandes organisées, la chanteuse navigue désormais en solo. Revenue il y a deux ans à Laval, sa ville natale, pour raisons familiales, elle s’est retrouvée sans complice musical. Ce qui lui a fourni une raison valable de se lancer dans une aventure solitaire qui la tentait déjà depuis longtemps. Finis les concessions, les nécessaires compromis qu’impose le collectif : écrire et composer seule, c’est être complètement libre d’exprimer ce qu’on est vraiment, d’explorer aussi ses failles et abysses personnelles.  

Les chansons de son premier ep Mâlesainte marchent sur un fil. Entre confession et provocation, poses de soubrette sexy et manifeste féministe, synthés eighties volontiers kitsch et productions électro qui tabassent sa maman.  

Si le travail en solitaire a ses avantages, en live, lorsqu’on est seule, pas le droit à l’erreur, à la défaillance. On ne peut plus se cacher, s’appuyer sur ses partenaires. Et c’est ce qui fait toute la puissance de cette expérience pour Edda Bel Abysse : « quand tu es en solo, ton plus grand allié, c’est le public. Le canal est direct. C’est comme une messe : tu es seule en tant qu’humain face à des gens. Et ce genre de moment, c’est quand même fort dans la vie. Je suis heureuse de pouvoir le vivre ». Sur scène, la jeune musicienne, à la fois spontanée et hyper concentrée, impressionne par son aisance et sa maîtrise. Chanteuse à la technique hors pair, elle accompagne ses arabesques vocales – la presque trentenaire cite volontiers ses origines algériennes – d’une gestuelle très chorégraphiée, parfois théâtrale. « Le personnage d’Edda Bel Abysse, c’est une extrapolation de ce que je suis. Edda, c’est moi dans une vie où elle n’aurait pas de contrainte et où elle pourrait dire à tout le monde d’aller de se faire foutre. La scène permet ça : c’est un super endroit pour dire ce qu’on a à dire. J’en profite… » 

Irrépressible lévitation 

Comme Edda Bel Abysse, Charles Amblard n’est lavallois que depuis deux ans. Débarqué de Marseille, ce guitariste et compositeur s’est très vite inséré dans le tissu musical local, dont sont issus tous les membres du quintet qu’il a créé il y a près d’un an, Volatile. Féru aussi de machines et d’électronique, le musicien compose beaucoup pour la scène, collaborant ainsi étroitement avec des chorégraphes comme Jan Gallois ou Bintou Dembelé, fers de lance de la scène danse contemporaine actuelle. Cette expérience de composition pour la danse ou le théâtre impacte et nourrit directement ses projets personnels, dont Volatile. Traduction évidente de cette influence : un sens de l’épure, une volonté de ne garder que « l’essence », qui ménage dans la musique de Volatile un espace libre que chaque auditeur peut investir, nourrir de son imaginaire… Ainsi après cette émission, certains relevaient la parenté de l’univers du quintet avec la musique traditionnelle malienne, quand d’autres évoquaient le trad breton, le krautrock de Can, tel jazzman ou tel producteur techno…  

Inclassable, cet objet sonore non identifié emprunte aux musiques de transe leur pouvoir hypnotique et leur principe actif, aussi simple que redoutable : la répétition de motifs rythmiques et mélodiques, provoquant chez l’auditeur consentant une irrépressible lévitation. 

Deux clarinettes basses apportent une note singulière au projet, l’ouvrant vers des horizons classiques, jazz ou celtiques. Boucles de guitares abrasives, phrases de clarinettes obsédantes et cellules rythmiques cycliques se superposent, s’empilent, se décalent… Impressionnante de précision et de cohésion, une machine infernale se met en branle, générant un groove hypnotique et millimétré. Alors on danse, comme un dingue, dans sa tête. 

 

Une émission proposée par Mayenne Culture, en partenariat avec la ville de Laval, L’Autre radio et L’Œil mécanique.

 

Chaque premier jeudi du mois à 21h sur L’autre radio, Tranzistor l’émission accueille un acteur de la culture en Mayenne : artiste, programmateur, organisateur de spectacle… Trois fois par an, Tranzistor part en « live » pour une émission en public. Au programme : interviews et concerts avec deux ou trois artistes en pleine actualité.

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