Il y a parfois des coïncidences troublantes. Le jour où j’ai découvert le disque de Babel, je venais d’’écouter de vieux titres du bluesman américain Lightnin’ Hopkins. Sur « The Fox Chase », il ne chante pas. L’harmoniciste pousse juste quelques gémissements, des « wouf », dans son instrument.
Dans le morceau qui ouvre son cinq titres, « Temps de chien », Babel se met dans la peau d’un clébard, un pauvre bougre abandonné sur la route des vacances. Et il aboie son désespoir. Mais l’aventure se termine bien, grâce à un chien de la ville qui le prend sous son aile. « Le chien aboie et sur la caravane pisse » lui lâche le rebelle, plus rappeur que jappeur. Non, Babel ne fait pas du blues du Mississippi pur jus, mais son chant est empreint d’une sincérité et d’un esprit blues. Parfois, son timbre faiblit dans les graves, parfois sa voix tremble dans les aigus comme celle de Bertrand Cantat ou Mano Solo. Babel est humain, entier, il ne copie pas. Il est de ces chanteurs qui ne peuvent laisser indifférent. C’est d’ailleurs en concert que son interprétation éclate. Seul avec sa guitare et sa voix, il plante une ambiance mi-ironique, mi-inquiétante. Son jeu est fluide, pas mal tourné vers les Amériques : un peu blues donc, mais surtout folk et parfois swing… Dans le petit théâtre de ses chansons, il met en scène des mecs à la rue et autres « gosses naufragés » en cavale. Sa poésie râle, dure et sale comme la vie. Sur « Petit rossignol », il raconte l’emprisonnement : « mis au clapier par les poulets, un boulet au pied, l’oiseau est en cage pour vol ». Cet oiseau-là a une belle plume et plus d’un tour dans son sac.