En cette fin de saison hivernale, le port du bikini demeure plus que jamais d’une actualité brûlante. Après un premier LP furieusement electro surf et un album concept (Bikini Machine joue Dutronc), les cinq rennais de BIKINI MACHINE reviennent avec un troisième opus résolument 60’s : Daily Music Cookin’, où foisonnent échantillonnages, guitares rétro et clins d’oeil à la culture anglo-saxonne… L’occasion était trop belle de revenir, en compagnie de Fred et Pat, sur le parcours de ce combo rétro futuriste, de passage au 6par4 en février dernier.

Pour nos chers lecteurs, pourriez-vous évoquer en quelques mots l’histoire des Bikini Machine ?

Fred : La création de Bikini Machine remonte au début des années 2000, avec la fusion de deux formations rennaises : les Skippies et Terminal Buzz Bomb. Nous avons commencé en studio par tenter pas mal de bidouillages. On consacrait énormément de temps à mélanger des sons tous azimuts, en utilisant aussi bien des rythmiques contemporaines que des sonorités sixties rock, soul ou surf…
Pat : L’idée de départ n’était pas de faire des concerts, cela nous paraissait irréalisable dans la mesure où notre formule était très difficile à gérer sur scène. Mais on a franchi le pas lors d’un passage au Trans en 2001, où nous avons fait notre premier concert. Puis tout s’est enchaîné très vite entre les concerts et les albums, pour aboutir à la formation actuelle, c’est-à-dire cinq musiciens sur scène.

Vous revenez avec un troisième opus résolument sixties, comment expliquez-vous ce retour à un son plus rock et moins electro que celui de votre premier album ?

Pat : C’est bizarre de nous affilier à la scène electro, alors que depuis le début on se considère comme un groupe de rock. Déjà sur le premier album, on nous avait collé cette étiquette. C’est vrai qu’on travaillait à partir de samples pris sur des vieux disques de rock garage. Du coup, les morceaux avaient ce côté un peu répétitif qui leur donnait une touche electro, même si au final, pour nous, l’album sonnait plutôt rock. Sur le dernier disque, on avait envie de revenir à une structure plus traditionnelle, au format chanson, couplets-refrains…
Fred : Paradoxalement, il y a plus d’arrangements électroniques dans le dernier album que sur le premier, certains le trouvent même plus electro. Sur celui-ci, tout est plus affirmé musicalement, avec une volonté de revenir à des chansons en accords. On a élagué énormément pour rendre les compositions plus fluides.

D’où vous vient cette fascination pour la culture sixties ?

Fred : On aime les classiques des sixties. C’est une décennie assez riche où tu pouvais trouver des grosses daubes comme de très bonnes choses via les Beatles, les Stones ou les Kinks, avec des formats de chanson très efficaces. On a aussi bien écouté de la soul que de la pop des années 60, ou des musiques de film comme Ennio Morricone, etc. La plupart d’entre nous écoute de la musique sixties depuis l’adolescence, et ces influences ont certainement joué un rôle dans notre rapport à la musique, notamment en terme d’harmonie et de grain.
Pat : On est aussi fasciné par la qualité des arrangements de cette époque là. Aujourd’hui, pratiquement plus personne n’est capable de s’offrir un orchestre de 30 à 40 musiciens comme c’était le cas dans les années 60. Même si les évolutions technologiques offrent des possibilités monstrueuses en terme de création et de production, elles ne remplaceront jamais un grand orchestre. C’est pourquoi j’apprécie particulièrement des artistes français comme Michel Colombier ou Raymond Lefebvre qui étaient des arrangeurs fabuleux.

Comment faire quelque chose de nouveau et d’orginal avec des influences aussi référencées ?

Fred : Nous sommes conscients que notre démarche est commercialement suicidaire dans la mesure où notre musique ne rentre pas forcément dans un format traditionnel. C’est un mélange éminemment personnel de plein de musiques différentes, et c’est peut-être de ce brassage qu’émerge quelque chose d’un peu nouveau… Nous avons entre 35 et 40 ans, et depuis la vingtaine, nous avons assimilé beaucoup de références, écouté beaucoup de disques… Nous traitons de manière ludique toutes ces références, en les passant à la moulinette des technologies actuelles, pour en extraire une espèce de rock sixties mutant. Il s’agit plus de clins d’oeil amusants que d’une démarche intello ou conceptuelle…

Vous définissez comme des arrangeurs, comment envisagez–vous votre rapport à la scène dans ce cas là ?

Pat : On est plus punk sur scène qu’arrangeur, en fait les deux nous vont bien, on s’amuse aussi bien sur scène qu’en studio.
Fred : ce n’est pas la même chose, tu as des mecs qui s’emmerdent à mort en studio et qui n’ont qu’une seule hâte : faire de la scène et inversement. J’aime bien la scène mais je m’éclate en studio aussi. Aujourd’hui, aucun groupe ne peut se payer le luxe de ne pas faire de scène. Le système actuel répond à une certaine logique : celle de faire de la scène d’abord pour ensuite envisager l’enregistrement d’un album. Le contraire est difficilement envisageable. Ce que Bowie avait annoncé il y a déjà 10 ans: à savoir que l’industrie du disque s’écroulerait, mais qu’on assisterait à une recrudescence de la scène, à l’image des festivals qui fleurissent un peu partout, se vérifie aujourd’hui. Un pur visionnaire ce Bowie ! (rires)

L’immersion « Dutronienne » lors du précédent album a-t-elle eue une influence sur la composition des morceaux du nouveau disque, notamment sur les deux titres en français ?

Fred : J’avais déjà tenté des trucs en français car je suis fan et très inspiré des vieux Gainsbourg et des sons jerks à la Dutronc ou Nino Ferrer, donc c’était pour nous naturel de faire des morceaux de ce genre là.
Pat : A travers ces deux titres, on avait envie de garder une ambiance musicale très anglo-saxonne, comme le faisaient Dutronc ou Gainsbourg dans leurs compositions souvent imprégnées d’influences musicales venues d’Outre-Manche.

Quel regard portez-vous sur le phénomène « bébés rockeurs », à l’instar des Naast ou des Second Sex, qui eux aussi, sont très imprégnés de la culture sixties ?

Fred : J’ai vécu un peu la même histoire à 18 ans lorsque j’ai crée un garage band avec des potes, je ressens donc une forme de sympathie à l’égard de ce phénomène. En même temps, je trouve la couverture médiatique accordée à ce phénomène démesurée comme plein de gens, mais ce retour aux sixties me fait plaisir car il correspond à ma culture musicale. Par contre, il ne faudrait pas que ça bascule dans le phénomène de mode. Ce que je redoute un peu, car l’on sent une effervescence dans le milieu similaire à celle de la période punk, où tous les labels voulaient leurs groupes punks parce que c’était le truc du moment. Cette scène sixties reste pour l’instant un épiphénomène parisien mais commence à gagner les autres villes, comme on a pu le constater à Rennes, où de plus en plus de kids commencent à se fringuer sixties.

Avec la sortie de ce disque, on sent comme une effervescence autour des Bikini…

Pat : On ne peut pas vraiment parler d’effervescence : l’album est sorti en octobre et les ventes fonctionnement moyennement. Même si on joue dans de belles salles, on reste un groupe inconnu pour beaucoup. On sent bien un léger frémissement au niveau national : on vient de faire 2 passages TV, mais cela reste encore timide.
Fred : Nous évoluons dans un style assez pointu et confidentiel. On est loin de remplir les salles partout, encore une fois parce que notre musique échappe aux étiquettes. Dans l’absolu, on se contenterait très bien d’un carton accidentel à la manière de Katerine, sans chercher absolument à formater nos morceaux pour entrer en playlist sur Europe 2.

Sinon vous avez prévu quelque chose pour fêter les 60 ans de l’invention du Bikini ?

Pat : Euh… On y avait pas pensé (rires) mais c’est une bonne idée… Non, dans l’immédiat, on continue à tourner jusqu’en avril pour ensuite enchaîner sur les festivals de l’été. D’un point de vue musical, on entretient un vieux rêve : celui de réaliser un album encore moins commercial, où l’on pourrait se lâcher sur des compositions uniquement instrumentales.
Fred : l’envie serait de mélanger du jerk étrange à des ambiances symphoniques, genre musique de film. Nous rêverions un jour de composer la B.O d’un film, mais çà, c’est une autre histoire…