Le saxophoniste Guillaume Bellanger et le batteur Etienne Ziemniak nous dévoilent avec ce disque le fruit d’une collaboration où « conformisme » n’est pas le maître mot et pour laquelle « singulière » s’avère être un qualificatif encore bien léger. Extrait d’un échange musical que l’on imagine riche et débridé, ce premier disque présente une pièce unique et improvisée, saisie dans l’instantané de ses 39 minutes et 5 secondes (d’où le titre de l’enregistrement).
Plongé dans l’univers des deux acolytes, vous n’y distinguerez plus qui fait quoi, qui joue quoi. Le saxophone baryton a perdu son bec et se joue comme une sarbacane ou un didgeridoo. Les peaux sont brossées à outrance et les sons métalliques de la batterie se confondent en sirènes, pluies et bruits de boîtes de conserve. Minimaliste de par sa formation, le duo bénéficie cependant d’’un son bien fourni, grâce à une prise de son impeccable, au plus près des instruments, magnifiée par la résonance naturelle de l’église dans laquelle elle a été réalisée. Pour autant, vous ne relèverez sur l’ensemble qu’une note, jouée en souffle continu, et au timbre instable et fragile. Vous l’aurez deviné, l’important ici n’est pas la mélodie. L’essentiel est que ce bruitisme fascinant, façonné de sons appliqués, ne bascule pas dans un difforme son gorgé de bruits.
Écoute attentive requise, donc ! Car au final, c’est comme toujours la curiosité des auditeurs avertis qui donnera du sens à cette musique d’affranchis. Et à la question que me suscita l’écoute ces 39 minutes et quelques : que reste-t-il du jazz ici ? Je finis par répondre : une musique à trippes, une musique à trip.