Discrète et passionnée, Joëlle Hanot, directrice du Palace à Château-Gontier, a su faire de son cinéma un acteur culturel incontournable de la vie locale, tout en accroissant notablement sa fréquentation. Rencontre.

Rien ne prédestinait cette native de Paris, qui a grandi à Montpellier, à devenir exploitante de cinéma en Mayenne. Formée au commerce international, Joëlle Hanot a d’abord travaillé dans le marketing puis le prêt-à-porter. En 1996, elle reprend, avec son compagnon, un tout petit cinéma, à La Foux d’Allos, station de ski des Alpes de Haute Provence. Puis s’installe quelque temps à Amboise où elle crée une nouvelle salle, avant de poser ses valises à Château-Gontier, en 2000, pour diriger Le Palace. L’équipement, plutôt vieillot, ne dispose alors que de deux salles. « C’était gris, pas très beau… », se souvient-elle aujourd’hui. Très vite seule aux commandes de son entreprise, Joëlle Hanot s’investit à fond dans sa nouvelle mission. Des travaux de rénovation s’engagent : le hall d’entrée, le son et l’écran de la salle 1. En 2010, avec l’aide de fonds publics, elle s’attaque à la création d’une troisième salle. « Le trou était déjà fait, il ne restait plus qu’à l’aménager ! », résume-t-elle en souriant. En parallèle, les deux autres salles sont totalement remises à neuf. Deux ans plus tard, le ciné passe de la bobine au numérique, puis à la 3D. Aujourd’hui, Le Palace dispose de trois salles confortables, bénéficie des derniers équipements techniques, répond aux normes d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. Et affiche 94 000 entrées au box-office en 2017, bien loin devant les 20 000 enregistrées en 2000 !

Rôle social

Entourée d’une petite équipe (un projectionniste à plein temps, un second à temps partiel et une assistante), Joëlle Hanot dirige Le Palace d’une main de maître. Un cinéma dont l’offre, extrêmement variée, touche un large auditoire. « Nous diffusons aussi bien des superproductions que des films plus intimistes pour lesquels nous avons aussi nos habitués », s’enthousiasme la gérante. « Nous avons la chance d’avoir un public très fidèle ! » et multiple : familles, jeunes, seniors, scolaires, amateurs de films populaires ou cinéphiles avertis. La programmation art et essai a été confiée à l’association Atmosphères 53, tout comme celle destinée au jeune public. Une fois par mois, le « ciné-bleu » offre aux seniors la possibilité d’aller voir un film à tarif préférentiel. Très attentive à « ses » publics, la directrice veille à proposer, y compris pour les films d’auteur, un nombre conséquent de séances. Sans oublier la VO, même si, comme elle le reconnaît, « ce n’est pas toujours rentable ».
Grâce au soutien des collectivités locales, Le Palace pratique des tarifs attractifs. « La communauté de communes nous verse chaque année une subvention qui compense le manque à gagner sur les places à prix réduit. Cela permet au plus grand nombre d’avoir accès au cinéma. Nous avons aussi un rôle social à jouer. »

Poumon de la ville

Situé en plein centre de Château-Gontier, à seulement quelques enjambées de la mairie, Le Palace contribue au dynamisme et à l’attractivité de la commune. « Il me semble très important d’être au cœur de la cité. Le cinéma fait partie du poumon de la ville », estime Joëlle Hanot. Cheffe d’entreprise et citoyenne, elle s’intéresse aussi beaucoup aux questions d’éducation, d’environnement, d’alimentation… Considérant que « chacun a sa part de responsabilité dans la société qui est la nôtre », l’exploitante apprécie particulièrement les œuvres qui suscitent la réflexion. Et ne se contente pas de les projeter. Sur le thème « Je change… le monde change », elle propose régulièrement des ciné-rencontres. De riches moments d’échanges qui permettent de prolonger la séance avec un ou plusieurs intervenants, en lien avec le film ou le sujet abordé. Très ancrée dans son territoire, Joëlle Hanot aime tisser des liens avec les acteurs locaux et leur ouvre volontiers les portes de son établissement. Depuis un an, en partenariat avec Atmosphères 53 et Biocoop Mayenne Bio Soleil, elle accueille par exemple des ciné-goûters : une fois par mois, une séance destinée aux tout-petits est suivie d’une collation offerte par le magasin bio implanté à Azé.

Belles rencontres

Passionnée par son métier, la directrice du Palace en apprécie toutes les facettes. Qu’il s’agisse de recevoir l’équipe de Camping 3 : « c’était en juin 2016… Un événement ! » ou d’accueillir Albert Dupontel, venu présenter, en avant-première, son adaptation d’Au revoir là-haut, l’été dernier. Ou bien encore de proposer un débat avec le réalisateur d’un film plus confidentiel comme elle le fait régulièrement. « Ce sont des moments qui font vivre le cinéma, de belles rencontres. On en ressort toujours grandi, nourri. »
Si vous souhaitez expérimenter une séance de ciné au Palace, sachez que vous ne trouverez pas de borne automatique dans le hall. Ici, le public s’adresse au guichet pour acheter ses tickets. « Nous restons très attachés au contact humain », martèle la directrice. Pointilleuse sur la qualité de ses prestations – jusque dans la confiserie ! – , Joëlle Hanot a opté pour du pop-corn bio. « D’après mon fournisseur, nous ne sommes qu’un très petit nombre de salles en France à proposer ce type de produit ! »

À l’asso du ciné
Loin de l’industrie cinématographique et des multiplexes géants, le cinéma peut aussi se faire artisanal et associatif. En Mayenne, la moitié des salles sont gérées par des associations (lire l’article Tous en salles !). Et de nombreux militants s’investissent bénévolement dans la diffusion ou la production de films. À l’image de CinÉcraon, petite équipe de cinéphages avertis qui diffuse chaque année une demi-douzaine de films, « pour pallier l’absence de ciné à Craon, mais aussi pour défendre des films qu’on aime », résume Nicolas Giral, membre de l’asso.
À quelques encablures de Craon, à La Selle-Craonnaise, Asspro productions organisera le 2 juin prochain la 2e édition de sa Nuit sur toile blanche, où seront proposés toute la nuit moults ateliers pratiques, courts et longs métrages. Rayonnant également sur la région de Craon, le Festival des 37 tiendra sa 2e édition en novembre 2018 : 10 jours de festivités où seront notamment diffusés 10 courts-métrages réalisés durant l’année par une centaine d’habitants.
Réunissant des débutants comme des vidéastes amateurs plus confirmés, l’asso Chato Kino suit les préceptes du Kino, un concept né au Québec : pendant 48h ou 72h, ils se réunissent dans un même lieu, « avec un seul mot d’ordre : créer des films dans le temps imparti et les projeter dans la foulée ». Prochain rendez-vous le 28 mars au bar L’Agora à Château-Gontier pour une projection Kino.

 

Article paru dans le dossier « cinéma, cinémas » du numéro 62 du magazine Tranzistor.