En décembre dernier, la Lavalloise Constance Boulay publiait Billy, l’âge papillon. Une bande-dessinée qui met en scène son quotidien de jeune femme, de façon drôle et poétique. Interview.
« Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé… » Pas de doute, « Billy », l’héroïne de la bande-dessinée de la jeune artiste-plasticienne ressemble comme une sœur jumelle à sa créatrice : à l’instar de Constance Boulay, Billy est prof d’arts plastiques et maman célibataire (tout du moins au début du livre) d’un petit garçon.
De la relation qu’elle entretient avec sa mère (pas toujours à l’écoute) aux remarques désopilantes de son fils, en passant par le sexisme affiché des mecs qu’elle croise, Billy/Constance raconte son quotidien, ses humeurs, ses indignations… Tout n’est pas rose, loin s’en faut, mais le regard qu’elle porte sur le monde confère à ses aventures une légèreté, une drôlerie et une poésie réconfortantes.
Entretien avec Constance Boulay, qui signe les textes et dessins de cette première bande-dessinée autoéditée.
Comment est né Billy, l’âge papillon ? Quels envies ou événements vous ont amenée à sa création ?
À la naissance de mon fils, je me suis sentie démunie, je me sentais seule et j’avais du mal à mettre des mots sur mon sentiment d’abandon, des doutes sur comment élever mon fils : comment endormir un bébé ? Est-ce que je fais les bons choix ? Dois-je vraiment lui donner un bain tous les jours ?… Un tas de questions et pas vraiment de réponses. J’ai vite commencé à dessiner, à raconter le quotidien. C’était une sorte de catharsis. En parallèle je passais le CAPES, un objectif important pour moi puisque cela m’assurait un métier pour l’avenir.
Je suis passée de quelques dessins à un carnet, puis un autre. Aujourd’hui j’ai plus d’une dizaine de carnets. Avec des centaines d’anecdotes. Ce sont elles qui constituent la base de la BD.
Billy est née à ce moment. Je n’avais pas l’intention de faire une BD, ce sont mes proches et « Édouard », mon compagnon actuel, qui m’y ont poussée. C’est aussi une façon de relativiser le quotidien, de manière poétique et légère, je ne souhaitais pas tomber dans le récit larmoyant d’une femme seule… Certes c’est une situation éprouvante, mais on peut en tirer une force.
Avez-vous des références ou des influences, notamment parmi les illustratrices ou auteures qui investissent, comme vous, le champ de l’autofiction ?
Ma première référence c’est l’ouvrage de Margaux Motin, La tectonique des plaques. Le style et le graphisme canon m’ont séduite. Ensuite, j’aime son franc-parler, à la limite du vulgaire, c’est très drôle. J’aime aussi les traits de Pénélope Bagieu avec Ma vie est tout à fait fascinante. Les couleurs de Mathou dans Tout plaquer et aller prendre un bain et la poésie de Juliette Baily avec En avant toute.
J’aime l’idée que les femmes prennent la parole, le contrôle sur leur vie, qu’elles en témoignent. Et ce qui me plaît le plus, c’est le fait qu’on sorte du cliché de la fi-fille girly un peu sotte et indécise. Les femmes qui s’assument, ça existe, et les illustratrices le font très bien. Le pouvoir par le crayon c’est une belle idée, non ? Parler de son quotidien, dire que nous ne sommes pas capables de tout assumer, c’est un fait et c’est vrai ! Je n’ai pas honte de dire que parfois je suis débordée, et que je donne des céréales aux enfants dans le canapé devant la télé, parce que j’ai la flemme de cuisiner… Et alors ?
Billy, c’est vous ?! Est-ce parfois compliqué de se mettre en scène ? N’y a-t-il pas des limites à l’autofiction ?
Billy, it’s me ! J’assume. Mais en même temps, ce n’est pas facile de se dévoiler. Il y aussi beaucoup de mise en scène avec un fond de vérité… Je brouille les pistes. J’avais vraiment l’intention de raconter le quotidien d’une mère seule, et surtout les étapes qu’il faut franchir pour trouver l’amour. Donc je suis partie de mon histoire personnelle bien sûr. Il y a de vraies anecdotes, avec les phrases de Nono par exemple ou de vraies situations comme celles vécues avec les hommes. Mais évidemment, si on veut raconter une histoire il faut aussi la scénariser.
La limite, je dois dire que c’est notre jardin secret. La mienne c’était de ne pas dévoiler le côté plus sombre, plus triste de cette aventure, des passages plus intimes.
Vous avez travaillé avec la graphiste Juliette Lebreton pour réaliser cette BD. En quoi a consisté cette collaboration ?
Clairement, sans elle, mon projet n’était pas viable. Juliette est graphiste, elle « met en forme ». Elle travaille sur les planches, elle met en page textes et dessins, elle fait en sorte que l’histoire se lise. Nous avions choisi ensemble les couleurs, la typographie et l’ambiance de la BD. Ensuite, une fois que j’ai encré mes planches, je les scanne et les transmet à Juliette. Elle reprend mes dessins, les met dans l’ordre, les colorise au besoin, et ajoute le texte : un travail titanesque, mais nécessaire. Ensuite, nous imprimons toutes les planches et nous regardons si les couleurs sont équilibrées de page en page, si les suites sont logiques.
Quel accueil a reçu le livre ? Peut-on compter sur un deuxième tome ?
Un très bon accueil. Qui fait chaud au cœur. J’ai été soutenue localement et c’est très important. Les journaux locaux, les radios, les librairies et les réseaux sociaux : tous ont joué le jeu. Sans cela, rien n’était possible. Aujourd’hui la BD est disponible dans toutes les libraires du département : la librairie du Marais à Mayenne, M’Lire Anjou à Château-Gontier, Corneille, M’Lire, Cultura, Artefact zoo et Mom concept-store à Laval. Elle a même pris le large à Saint-Nazaire au Pop’Art Café !
Quelques retours m’ont particulièrement touchée. Notamment celui de cette maman qui se retrouvait seule avec ses enfants le soir de Noël et qui m’a envoyé un message pour me dire qu’elle avait reçu la BD en cadeau et qu’elle se reconnaissait dans l’histoire. Finalement, le message est passé. Si j’ai touché une personne alors c’est déjà beaucoup, je sais maintenant pourquoi je suis artiste-illustratrice.
Un tome 2 est prévu, mais pour le moment, je dessine et je regarde le ciel… « Les papillons ne sont que des fleurs envolées un jour de fête où la nature était en veine d’invention et de fécondité », écrivait George Sand.
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