Trois impressions d’après concert aux 3 Éléphants, millésime 2014.

Détroit

J’ai vu un concert au festival Les 3 éléphants. Pas un concert… une chanson : Tostaky. Tout le monde était venu pour ça. Détroit, on s’en fout, ce qu’on veut c’est Noir Désir qui vit encore. Et il le sait Bertrand Cantat, et même s’il l’a joué mille fois, il le rejoue… TOS-TA-KY ! Et aux premières notes du dernier morceau du concert, j’ai vu physiquement ce qu’était une foule électrisée. Le frisson est passé sur la vague humaine. Un déferlement de rage joyeuse. Après, c’est l’histoire intime de chacun, avec ce riff et cette voix qui marquent une vie, surtout quand on les a écoutés à 20 ans.
Heureusement, Détroit ne l’a pas trop déformé, il y a des morceaux qui ne se déforment pas, sinon on le perd. Sur la fin, les musiciens dérivent tout de même vers une sorte de furie disco, comme si la colère devait laisser la place à la fête. Je ne sais pas si c’est un message ou si c’est juste que Bertrand Cantat a un peu de savoir-faire pour ce qui est d’enflammer un public. Et on s’en fout : TOS-TA-KY !

Juana Molina

Plaisir renouvelé des concerts au fil de l’eau, sur le bateau. Avec Juana Molina, pas de folk aérienne mais une pop charnelle portée par des boucles entêtantes. Comme Dakhabrakha, Juana Molina crée des passerelles entre les mondes. Elle part de bricolages lumineux, sophistiqués mais limpides, pour aboutir à d’intenses brûlots dancefloor. Mais là où les Ukrainiens portent une transe plutôt froide, l’Argentine puise dans un genre de blues rugueux. Elle picore une mélodie teintée de folklore, superpose ses voix claires, et ses lignes de guitare pour créer un genre hybride. On pense a son compatriote Axel Krygier ou The Do, peut-être même Björk… Une complexité apparente qui devient plus limpide que l’eau de la Mayenne. Arriba !

Loup Barrow

Ô temps, suspend ton vol ! Bande-son idéale de ce début d’après-midi dominical au village des 3 Éléphants, la musique de Loup Barrow vous pousse tout doucement dans une moelleuse rêverie. Une somnolence bienheureuse que le soleil, qui plus est, vient réchauffer de ses rayons dorés. Grand gaillard tatoué au regard doux, Loup jongle entre Cristal Baschet, Hang ou Dulcimer, instruments rares aux sons aussi étranges que magiques. (Bien) accompagné du violoncelliste Goulven Ka, il chante parfois d’une voix légèrement sourde et voilée, qui vient accentuer encore la profondeur de sa musique, souvent grave, toujours planante. Musique cinématographique ? On colle, trop souvent par facilité, cette étiquette aux musiques instrumentales. Cela dit, ici, il y a du vrai. D’abord par que le Cristal Baschet a beaucoup été utilisé par les compositeurs de musique de film (d’horreur et de science-fiction notamment). Ensuite et surtout parce que l’on sent bien que Loup Barrow s’attache, plus qu’aux aspects rythmiques ou mélodiques, à peindre des ambiances, dessiner des paysages sonores, oniriques et brumeux. A contempler les yeux fermer.