The Clash « Guns of Brixton »
(Dès les premiers accords) Les Clash ! Ce titre figure sur l’un de leurs premiers albums, London Calling ou Rude Boy, ceux que je préfère. Leurs derniers disques sont moins intéressants. Tu sens qu’ils sont réalisés plus par nécessité que par envie…

Ce groupe constitue l’une de vos influences majeures ?

Non, je sais pas… Je n’ai pas envie d’isoler comme ça une influence parmi d’autres. Des influences, nous en avons des milliers, qu’elles soient musicales ou pas. C’est plutôt une histoire de rencontres. Tu rencontres quelqu’un qui dégage quelque chose de tellement fort qu’il modifie ta façon d’agir, de voir les choses. Cela dit, j’adore les Clash, leur son, ce qui ressort de leur musique… On reprenait d’ailleurs certaines de leurs chansons avec notre premier groupe, les Red Ted.

Avec Qu’est ce qu’on se fait chier, vous revenez aux guitares à la Clash, à un son plus rock’n’roll…

Oui, sur le dernier album, on renoue avec le son de nos premiers disques. Il y a un durcissement du ton. C’est un disque moins accessible, moins « chanson » que les précédents. Mais ça n’était pas programmé à l’avance. On ne s’est pas dit « tiens on va faire un album plus rock ». C’est l’époque qui veut ça. Ces chansons sont représentatives de ce qu’on vit, de ce qu’on ressent actuellement. Il y a des cris de colère qu’on ne peut pas s’empêcher de crier. C’est quand même pas très joyeux tout ce qui se passe en ce moment. Il y a un délitement de tout ce qui crée du lien dans une société. Tout ce qui est « inter », « entre » les gens, qui fait que l’on se sente appartenir à une même communauté, qu’on est prêt à s’entraider. Il y a une précarisation des plus pauvres, des plus faibles, des travailleurs, des sans papiers… On ne peut pas rester sans réaction face à çà. Ca nous influence forcément.

 

Fréhel « La môme catch-catch »
« C’est moi la môme catch-catch » (il connaît les paroles par coeur). Fréhel ! Elle, comme Damia ou Piaf, chantait la rue, la réalité sociale avec des mots crus, des mots du peuple. Ses chansons disaient et osaient des choses beaucoup plus violentes et libres que dans beaucoup de chansons actuelles. D’ailleurs cette vérité, ce réalisme, ca n’est pas dans la chanson mais dans le hip-hop que tu les retrouves aujourd’hui. Dans les paroles des rappeurs !

De Fréhel aux Clash, il y a un sacré pas. Pourtant on retrouve fortement ces deux influences dans votre univers musical?

Ouais, cet éclectisme est ainsi symbolique du groupe et de son évolution. Au départ, ce qu’on faisait avec les Red Ted, c’était punk. Du rock à guitares. Le passage à la « chanson », des Red Ted aux Têtes Raides, a été déclenché par la rencontre de Christian avec un instrument : l’accordéon. Depuis il n’est jamais reparti. Au fil des années et des rencontres avec de nouveaux musiciens et de nouveaux instruments, notre musique a évolué… Certaines personnes sont arrivées, d’autres sont reparties.
On cherchait depuis longtemps à étoffer le groupe, à former un petit orchestre qui permette de donner de l’ampleur à nos chansons. Histoire que ça ait de la gueule ! Aujourd’hui, il y a un équilibre entre les cordes et les vents, les instruments acoustiques et électriques qui permet beaucoup de combinaisons et de couleurs possibles. En fonction des chansons, on choisit les instruments dont on a besoin. Un peu comme pour un casting. Avec le temps, j’ai l’impression que se sont définis des rôles, des personnages pour chacun de nos instruments. Sur certaines chansons, nous jouons tous ensemble, sur d’autres on est trois… ça dépend des morceaux. Le danger, ça serait de systématiquement faire jouer tout le monde, histoire qu’il n’y ait pas de frustration. Mais si la chanson le demande, il faut accepter de rester sur le bord de la scène.

 

Tom Waits « Walking spanish »
Cette chanson figure sur l’album Rain Dogs. Ce disque est excellent, comme tout ce qu’a pu faire Tom Waits. C’est un grand monsieur, un de ceux qui ont marqué le siècle. Il est capable de tout faire, de chanter comme un crooner, de faire des chansons complètement déglinguées… Il a supprimé le duo traditionnel basse/batterie pour inventer d’autres solutions rythmiques et harmoniques. A partir d’instruments distincts, il parvient à créer un tel son d’ensemble! On a l’impression d’entendre la musique d’une seule et même mécanique. Une sorte de machine à vapeur déglinguée et bancale qui tourne à mort!

Sur certains morceaux de votre dernier album, on sent plus que jamais son influence.

Oui pour le son, le coté déglingue, l’intégration de bruits, d’objets quotidiens ou de bandes sons. C’est la première fois qu’on se lâche autant sur la structure des chansons. Certains morceaux comme « Pitance », « Les Souris » ou « Les Dents » ont des constructions complètement débiles (rires). Ca part dans tous les sens. Et puis sur ce disque on a accordé une importance toute particulière au son, à la mise en espace sonore du disque. Pour la première fois depuis notre premier disque en 89, on a confié la prise de son et la production sonore à des personnes extérieures au groupe (Jean Lamoot, aussi « metteur en son » pour Bashung, Dominique A… ndlr). Ca apporte aussi beaucoup.

 

Serge Tessot-Gay « 10 000 écrans »
Young gods ? No one is innocent ? Je ne vois pas… C’est quoi ?

Serge Tessot-Gay, le guitariste de Noir Désir, sur un album solo où il met en musique le roman de Georges Hyvernaud, « La peau et les os ».

Ah oui! Noir Désir, ce sont des gens avec qui on a aimé travailler. Des gens bien, humainement comme artistiquement… Je n’ai pas écouté ce disque, mais j’aime l’idée de travailler à partir d’un bouquin, d’un texte, ce qu’on a aussi fait avec des auteurs comme Desnos ou Soupault… Je ne connais pas bien le bouquin d’Hyvernaud mais tout que j’ai entendu à son sujet me fait croire que c’est un bouquin super fort.

Sur ce disque, Tessot-Gay utilise des samples, de boîtes à rythmes… Ca ne vous a jamais tenté d’utiliser l’électronique ?

Si, pourquoi pas. On est ouvert à tout. Il faut arrêter de penser que les Têtes Raides, c’est de la chanson, des instruments accoustiques et qu’on ne se risquera pas ailleurs. Justement le risque, c’est ce qui nous intéresse… Donc l’électronique pourquoi pas, si ca sert nos chansons… J’aime bien les possibilités musicales que permettent les samples par exemple, cet effet de boucle, de répétition qui provoque un état hyptonique, de transe… Peut-être que notre prochain album sera electro, qui sait ? (rires). En tout cas sur Qu’est ce qu’on se fait chier, on a déjà commencé… Sur la chanson « Patipata » par exemple tu peux entendre Christian qui fait du scratch ! Il est champion du monde de scratch sur bandes magnétiques (rires).

 

Pusse « Müde »
C’est Pusse. La première chanson de son album paru sur Mon Slip. C?est vraiment un très bon album, achetez-le (rires).

Mon slip, c’est le label que vous avez monté toi et Christian. Pourquoi avoir créé ce label ?

Parce qu’on a rencontré des artistes qu’on avait envie de produire comme Corti, Pusse, Loïc Lantoine… En 20 ans d’existence, on a galéré mais on a aussi été soutenus par plein de gens. On a aujourd’hui envie d’aider des artistes à notre tour et puis ça nous permet de nous consacrer à d’autres projets que ceux des Têtes Raides, d’aller voir ailleurs. Même si après 20 ans passés avec ce groupe, j’ai l’impression qu’on est tout jeune et que tout est encore à faire. L’aventure ne fait que commencer.