Que lisent-ils ? Regardent-ils ? Écoutent-ils ? Comment la crise sanitaire a impacté leurs habitudes ? En résidence en Mayenne de janvier à novembre 2020, le photoreporter Arnaud Roiné a posé ces questions à une quinzaine de jeunes, de 7 à 19 ans, ainsi qu’à une dizaine d’adultes : enseignants, libraires jeunesses ou artistes intervenant en milieu scolaire.

Une série interrogeant le lien des jeunes à la culture, dont cet article est extrait.

Fanny

Libraire à M’Lire Anjou à Château-Gontier-sur-Mayenne. Spécialisée en littérature jeunesse.

« Pour le rayon 0/3 ans, ce sont les parents et les grands-parents qui viennent à la librairie. Ensuite, des premières lectures jusqu’au collège, souvent, les parents sont accompagnés de leurs enfants. Certains adolescents poussent la porte seuls mais on voit quand même une baisse de la fréquentation à partir de la deuxième moitié du collège.

Nous travaillons beaucoup avec les enseignants, ils tiennent à ce que les ados viennent chercher eux-mêmes les livres imposés par l’école. On voit donc beaucoup d’ados venir ici. Cette idée a ses limites car neuf fois sur dix ils ne regardent rien de plus que ce qu’ils doivent venir chercher. Mais le peu qui va voir un autre rayon, c’est déjà ça.

C’est tout de même une population difficile à capter et je trouve que ça s’explique. Ce n’est pas par manque de propositions car il y a des choses extraordinaires qui se font en littérature pour cette tranche d’âge. Une des limites, c’est que les jeunes manquent de temps ; ils sont hyper sollicités par les écrans certes, mais aussi par le travail scolaire. La nouvelle réforme du lycée qui oblige à lire des classiques est aussi un point bloquant. Quand je vois ce qu’ils viennent chercher, je les plains vraiment. Alors qu’au collège, ils peuvent lire de la littérature contemporaine et écrite pour eux. Du coup, leur temps de lecture est consacré aux lectures scolaires et c’est un frein pour les réorienter et les motiver à lire autre chose.

À la fin du premier confinement, j’ai constaté un petit sursaut. Comme s’il y avait eu un ras-le-bol des écrans et autres. Ils sont venus chercher des bouquins. J’ai vraiment senti que mon rayon ados bougeait plus. Je pense qu’il y a eu un regain de lecture, une envie d’autre chose. »

Article publié dans le hors-série Les jeunes et la culture. Regards et préjugés du magazine Tranzistor, paru en mars 2021.