Que lisent-ils ? Regardent-ils ? Écoutent-ils ? Comment la crise sanitaire a impacté leurs habitudes ? En résidence en Mayenne de janvier à novembre 2020, le photoreporter Arnaud Roiné a posé ces questions à une quinzaine de jeunes, de 7 à 19 ans, ainsi qu’à une dizaine d’adultes : enseignants, libraires jeunesses ou artistes intervenant en milieu scolaire.

Une série interrogeant le lien des jeunes à la culture, dont cet article est extrait.

Najia

Professeure d’anglais au lycée professionnel Pierre et Marie Curie à Château-Gontier-sur-Mayenne.

« Les élèves de lycée professionnel n’ont pas une relation facile avec la culture. Pour eux, c’est un mot de l’élite. Ils l’associent à des pratiques qui leur sont étrangères ou inaccessibles. Ce n’est pas un mot de leur quotidien alors qu’ils pratiquent la culture tous les jours. Ils ont du mal à se faire confiance et à aller vers certaines pratiques. Ils s’imaginent que ça n’est pas pour eux ou pas pour leur milieu social. Une fois qu’ils y sont confrontés, ils font preuve de beaucoup de curiosité, d’énergie, de spontanéité et c’est très apprécié par les intervenants extérieurs. Ils sont capables de faire preuve d’une vraie attention, d’une vraie réflexion. Ils s’impliquent.

La culture ne s’enseigne pas forcément mais je dis toujours qu’il faut ouvrir des portes aux élèves et ils en font ce qu’ils veulent. Ils ont encore une approche scolaire là-dessus, ils ont toujours l’impression que nous attendons d’eux qu’ils aiment absolument. Ils ne font pas toujours la différence entre adhérer et aimer. En fait, on attend d’eux qu’ils assument un avis, un choix. Cela dépasse la pratique culturelle, on est dans une pratique citoyenne : avoir un esprit critique, émettre un avis, aller aussi vers ce qui ne nous est pas naturel. Les confronter à l’art, c’est leur donner les clés pour ne plus être simple consommateur mais bien acteur de leurs propres goûts, leurs propres choix.

L’écran est omniprésent et j’avoue que je ne sais pas trop comment me comporter vis-à-vis de ça. Il faut éviter de se référer à nos propres habitudes, nos propres comportements. On est peut-être un peu trop dans le jugement de valeurs et les a priori, il faut être vigilant là-dessus et s’intéresser à ces écrans et aux pratiques qu’ils impliquent.

J’ai tout de même l’impression que les écrans les enferment un peu. La convivialité perd de sa chaleur. On le voit bien lors des déplacements scolaires, les cars sont de plus en plus silencieux, les élèves communiquent par écrans interposés. C’est inquiétant et questionnant.

L’impact de ce que nous mettons en place sur leur quotidien hors école, c’est la grande question. On sème des petites graines qui germeront si elles doivent le faire. On a quelques retours d’anciens élèves qui nous confortent dans nos choix et nous encouragent à poursuivre. »

Article publié dans le hors-série Les jeunes et la culture. Regards et préjugés du magazine Tranzistor, paru en mars 2021.