Si on prend un peu de recul sur votre courte carrière, on a l’impression que tout s’est fait simplement, presque naturellement, pour vous. Un 1er album sur Big Dada (branche hip hop du prestigieux label anglais Ninja Tune), une distribution internationale, une grosse couverture médiatique, des dates qui maintenant s’enchaînent…

Ca n’a pas été aussi simple que ça en a l’air. C’est vrai qu’on parle de nous en ce moment, mais on débarque pas de nulle part comme ça… En fait j’ai commencé à faire de la musique dans le milieu des années 90 avec Tido Berman. En 97-98, Cuizinier nous a rejoint. Et en 99, on sortait notre premier maxi Game over 99 en autoproduction. Tout ce qui nous arrive maintenant c’est le résultat d’un travail engagé depuis 5 ans. Notre premier album a été enregistré en 2000, pour ne sortir que 2 ans plus tard sur Big Dada.

Vous êtes les 1ers artistes français à être signés sur Big Dada, comment c’est passé la rencontre ?

Ca c’est fait par l’intermédiaire de Mister Flash, un de nos producteurs à l’époque, qui a d’ailleurs participé à la conception de Ceci n’est pas un disque, il a été faire du démarchage en Angleterre notamment auprès des gens de Ninja Tune… Ca leur a plu et ils ont voulu nous signer direct, sans qu’il y ait de rencontre avant ou qu’ils aient pu nous voir en concert. C’est un label qu’on appréciait et dont écoutait les productions depuis longtemps. On aime beaucoup les gens signés sur Big Dada : Roots Manuva, Clouddead ou Mike Ladd avec qui on est pote et que l’on voit régulièrement sur Paris… Y a pas eu de démarchage forcené… c’est plus une histoire de rencontre. De toute façon, l’histoire de TTC, c’est des rencontres qui se concrétisent par des projets communs comme pour l’Atelier, l’Armée des 12 ou avec les allemands de Modeselektor, d-Damage, DJ Vadim…

La rencontre avec Vadim qui signe l’excellent « Pauvres riches » sur votre album, elle s’est fait par l’intermédiaire de Ninja Tune ?

Non, ça a rien à voir. Là il s’agit plus d’une démarche personnelle, on est fan de ses productions et à la fin d’un de ses concerts, on l’a rencontré et on lui a donné notre maxi, et il a kiffé. On est devenu potes. Ouais, c’est une vrai histoire d’amour entre Vadim et nous… et sa copine (rires). Une aventure à 3… Enfin rien de sexuel hein ? Une histoire d’accident de voitures…

A la base vous n’êtes pas des musiciens, qu’en est-il de l’élaboration de votre son ? Des rencontres aussi ?

Oui, c’est vrai, on est pas musiciens au départ, ce qui explique qu’il y ait 7 producteurs différents sur notre album. Aujourd’hui Tido prend de plus en plus les choses en mains, d’ailleurs il est à l’origine de 3 morceaux sur l’album et d’une bonne partie de ceux de l’Armée des 12. On est en train de s’acheter des instruments, que l’on compte intégrer davantage sur scène. La question du son est super importante pour nous. Ca n’est pas juste un support pour les textes, quelque chose de secondaire… De plus en plus on souhaite que les parties vocales et musicales soient intimement liées, on voudrait arriver à une imbrication totale. Le prochain album ira dans ce sens.

Tu disais que vous souhaitiez intégrer plus d’instruments sur scène, est ce que ça pourrait aller jusqu’à la présence de musiciens « live »?

Non, pas forcément, il s’agirait plus de machines… de toute façon je n’aime pas le hip-hop « live » avec des instruments genre batterie, guitare… Les Roots par exemple tout le monde apprécie mais je n’aime pas… je sais pas trop pourquoi d’ailleurs. Je crois que j’ai un problème avec le rappeur principal, je trouve sa diction trop monocorde. C’est mou, je m’emmerde un peu.

Ok tu n’aimes pas les Roots… On a parfois du mal à vous situer et à vous trouver des influences, tu peux nous éclairer là dessus ?

Les influences ? c’est dur de répondre comme ça, ça serait débile de te déballer 3 ou 4 noms alors qu’il y a un millier de trucs qui nous influencent… et pas seulement des références musicales. On s’inspire un peu de tout, aussi bien de films que de la vie de tous les jours. Après c’est vrai qu’il y a des gens dont on se sent proche. J’ai beaucoup écouté des rappeurs de la scène hip-hop underground américaine, spécialement la scène californienne en 96-97, Freestyle Fellowship, Aceyalone…Plus tard il y a eu des labels comme Definitive Jux, Anticon… des groupes comme Clouddead et Dose One avec qui on bosse régulièrement. On est en lien avec tous ces gens. On forme une grande famille en quelque sorte…

Venons-en maintenant à ce qui vous amène ici, à savoir la scène. Le morceau « Soudaine montée d’adrénaline dans l’éloge » traduit-il ce que vous ressentez avant et pendant le show ? On a l’impression que c’est quelque chose d’à la fois jouissif et angoissant que vous dépassez finalement?

C’est exactement ça. C’est vrai qu’au début on avait des problèmes avec la scène. C’était un complexe de notre part, et puis une sorte d’incompréhension entre le public et nous, due à une méfiance réciproque. Tout de suite t’es catalogué jeune rappeur français, on nous attendait là où on n’était pas. Dès lors que tu fais quelque chose de décalé, auquel le public n’est pas habitué, c’est plus difficile de faire passer les choses, tu as peur de ne pas être compris, pas bien reçu. Et puis c’est quelque chose qui demande du travail, une expérience… Pour prendre l’exemple des Transmusicales en 99 (Aux Trans, TTC attendu – mauvais présage – s’autosabote dans un set au bas mot décousu), c’est un peu ça qui c’est passé. D’abord c’était notre 1er vrai concert, on était pas préparé et puis il y avait beaucoup de pression, on s’est pas compris avec le public, au final on a fait un show décevant paraît-il, malgré le fait qu’on était plutôt content de nous. Aujourd’hui c’est plus simple, on a un public qui nous connaît, et techniquement on a gagné en maîtrise aussi bien musicalement que vocalement…

Tido, Cuizinier et toi, vous avez su non pas trouver mais créer une identité vocale à part entière, ça aussi c’est du travail j’imagine ?

Ouais on a recherché ça, cette identité, ce son c’est important pour nous. L’écriture, c’est un vrai travail sur le rythme, la sonorité des mots, la syntaxe, la métrique, les respirations, les allitérations (Teki Latex s’enflamme), c’est des mathématiques en fait! Enfin c’est pas des mathématiques mais c’est des mathématiques… Parce que il y a cette technicité mais surtout il y a l’émotion, tout doit être dicté par l’émotion. De plus en plus j’essaie de travailler çà, me laisser guider par l’émotion pour la transmettre au mieux.

Pour finir, ça vous fait quoi d’être au 3 Eleph’, un festival à la programmation aussi éclectique ?

On est content d’être ici. Une programmation éclectique ? Tant mieux, et puis on est pas perdu entre 5 groupes de dub et puis je sais pas,un groupe de rock celtique! Et il y a plusieurs scènes, si les gens ne veulent pas nous voir rien ne les empêche de bouger. Tout va bien donc…